Post by (ita)Si l'euro devient commun et usuel, la bonne liaison devra être neuveuros
et non neuf/euros.
Je me risque à une explication qui m'est venue en écoutant la mélodieuse
voix de ma femme russe. À vous de juger :
On ne dirait pas neu-v-ans et neu-v-heures parce que notre langue le dit
plus souvent que neu-f-enfants, neu-f-écus, neu-f-unités ou neu-f-euros,
comme le dit Ita avec sa coutumière autorité.
Ce n'est pas une question de fréquence de prononciation, d'un dressage de
langue, ou d'une lassitude des muscles qui par habitude se relâchent ; mais
d'équilibre et d'affinité infra linguistiques : il y a une langue dans la
langue et c'est à nous de la décrypter. Notre langue agit sur nous et nos
muscles buccaux avec sa logique propre. Notre langue nous façonne plus que
nous ne la façonnons. (profession de foi)
Il semblerait que la raison de ce glissement phonique soit à rechercher dans
le nombre de syllabes prononcées après le neuf. Ma femme m'explique que les
Français ont l'habitude de faire tomber l'accent tonique invariablement à la
fin de chaque mot. Pour cette raison, les Français ne perçoivent pas l'
accent tonique, mais il est très important dans le rythme, dans le souffle,
dans la mélodie d'une langue.
Nous prononçons " neuf ans " comme un seul mot avec l'accent tonique sur
ans. Nous prononçons " neuf années " comme deux mots séparés, avec une
accentuation sur neuf et une autre sur nées.
Ce glissement de consonne sourde f en consonne sonore v existe à l'envers en
russe, ainsi Gorbatchev se prononce Gorbatchef, alors que son épouse
Gorbatcheva se prononce avec un v. Tout ça pour dire que v et f sont des
consonnes qui se permutent, elles forment un couple comme j et ch etc...
mais c'est une autre histoire.
Il me semble, corrigez-moi si je me trompe, que neuf suivi d'un mot d'une
syllabe commençant par une voyelle se prononce " neuv ". Pour éviter la
confusion avec neuve, dans certain cas, on appuiera sur " neuf ". Ainsi ne
dites-vous pas ? :
neu-v-onces
neu-v-ours
neu-v-eaux
neu-v-ailes
neu-v-îles
neu-v-urnes
neu-v-oufs
Ce qui déroute, c'est que le féminin de neuf est neuve, d'ailleurs tous les
adjectifs se terminant par f ont un féminin en ve. Encore, cette même
sympathie entre des consonnes qui vont par paires.
Pour y voir plus clair, j'ai cherché d'autres noms se terminant par un f non
muet. J'ai trouvé ouf, bouf (au singulier), nef, relief, fief, chef, tarif,
soif. Et ça ne m'aide pas beaucoup. À la rigueur si une chimère bouf-ours
existait, on ne la prononcerait pas bou-v-ours !
Adieu règle, veau, vache, cochon, poulet !
Ah, mais avec un adjectif monosyllabique se terminant par un f comme bref ou
naïf, les choses s'arrangent, on dirait. Bien que cela ne soit pas habituel,
comment prononcez-vous ? :
bref ours ou naïf ours
bref ouf ou naïf ouf
bref an ou naïf an
La langue semble naturellement émettre un v et me donner raison. Alors ça
marche pour les adjectifs, et le chiffre neuf est bien un adjectif lui
aussi, sans féminin, certes.
Je compte sur vous, pour perfectionner et finaliser cette " découverte russe
", chers amis électroniques, élecrophilistes donc, et me gronder si
nécessaire.