Camille Lefort
2004-08-17 10:32:27 UTC
Les nazis avaient programmé la suppression des Eglises chrétiennes, en
vue de leur substituer un culte racial, affirme l´historienne Julie
Selzer Mandel, qui a consulté des documents des services secrets des
Etats-Unis. Le"Corriere della Sera" du 4 mars 2002 donne un aperçu de
cette recherche, mettant en lumière ce qu´on appelle "la lutte entre
la croix et la swastika".
Le livre de Julie Selzer Mandel est le premier volume d´une série, et
il s´intitule: "Persécution des Eglises chrétiennes". Rappelons que
cette thèse de la volonté de supprimer les Eglises apparaît clairement
dans les discours du Führer.Les plus "religieux" ne sont pas mis au
courant.
Les responsables nazis voulaient extirper totalement le christianisme
et le remplacer par une religion raciale adaptée à leurs objectifs.
Ils croyaient pouvoir étouffer les Eglises protestante et catholique
en un temps relativement bref. Ils avaient établi un plan avant même
d´avoir pris le pouvoir.
Le plan est né des rencontres entre les chefs nazis auxquels Hitler
faisait le plus confiance: Goering, Goebbels, Rosenberg, Hess, Schemm,
Von Schirach. Des chefs moins anti-religieux comme Von Epp et Von
Papen n´ont probablement pas été mis au courant". C´est ainsi que
commencent les volumineux dossiers des services d´espionnage des
Etats-Unis de la seconde guerre mondiale (OSS) en vue du procès de
Nuremberg, sous la direction de William Donovan ("Wild Bill"),
fondateur de l´Office of Strategic Services (OSS), mort en 1959. Il
s´agit de 148 volumes conservés à la Cornell University.
Premier d´une série, Julie Selzer Mandel a publié le premier volume.
La thèse du livre est que Hitler avait décidé de supprimer les Eglises
et de mettre en place un néo-paganisme d´Etat exaltant la supériorité
de la race aryenne.
"Sur les relations entre le nazisme et les Eglises protestante et
catholique les jugements les plus opposés ont été exprimés", remarque
le Corriere qui ajoute: "Donovan - considéré par les media de l´époque
comme " les yeux et les oreilles du président Roosevelt " - en dessine
un cadre conflictuel.
Les dossiers de William Donovan, lui-même catholique, rassemblent de
nombreux documents sur le néo-paganisme nazi, en particulier des films
de rites ancestraux nocturnes en particulier pour les jeunes, à la
lumière de torches, avec force symboles et formules "magiques" et
allusion aux anciennes divinités de la mythologie germanique, à
commencer par Wotan (Odin), honoré par les chefs nazis.
Selon le Corriere toujours, l´un des piliers de cette "persécution des
Eglises" et du retour au paganisme était Baldur von Schirach, chef des
jeunesses hitlériennes.
Les "Odinistes" d´aujourd´hui protestent. Les disciples de
Wotan-Odin, encore présents, de l´Allemagne à l´Australie, ont
protesté à la publication du livre précise le quotidien italien,
défendant Hitler d´avoir déterré les vieilles idoles germaniques.
"Odin est mort" aurait déclaré Rosenberg. Et Von Schirach voulait
rassurer les familles: on n´allait pas pousser les jeunes à dresser
des autels dans les forêts. Les "odinistes" citent un passage de "
Mein Kampf " critiquant le paganisme du passé. Effectivement, Hitler
se moquait de ces cultes anciens. Mais ils étaient pris au sérieux par
des Rosenberg ou des Himmler.
La destruction du christianisme, objectif caché
C´est de Von Schirach que part Donovan pour montrer que "la
destruction du christianisme a été un élément clef du projet nazi de
conquête mondiale". En 1934, le chef des jeunesses hitlériennes
déclarait en effet que cette destruction "est explicitement reconnue
comme un objectif de notre mouvement, même s'il ne peut pas être
exprimé officiellement".
Les évêques allemands refusent les sacrements aux nazis.
Selon Donovan, Hitler voulait manipuler les Eglises dans un premier
temps, comptant sur leur "caractère conservateur" pour obtenir leur
soutien "pour la patrie et contre le communisme". Mais il était en
même temps conscient que les Eglises "n´auraient pas approuvé le
racisme, la guerre et l´asservissement à l´Etat", et se préparait à
les anéantir plus tard. Donovan souligne aussi que jusqu´à 1933, les
rapports étaient tendus : " En stigmatisant le nazisme comme
anti-chrétien, les évêques allemands refusèrent les sacrements aux
nazis et interdirent aux fidèles de les fréquenter ".
Or, en 1933, Hitler arrive au pouvoir, mais de façon "légitime", et le
paysage change lorsque l´ennemi représente l´Etat.
Un concordat imposé
Rappelons que c´est Hitler qui a voulu le concordat. La responsabilité
d´un refus serait retombée sur le Saint-Siège. Pendant les
tractations, pour faire pression sur l´Eglise, Hitler a fait jeter en
prison quatre-vingt douze prêtres catholiques, fermer neuf journaux
catholiques, et perquisitionner des dizaines de cercles de jeunes
proches de l´Eglise. D´autre part, un concordat n´est pas un traité
d´amitié mais un document juridique pour gérer les relations entre
l´Eglise et l´Etat dans une Nation et une situation donnée. Avant le
concordat imposé par Hitler, les Occidentaux avait signé avec le Reich
le "Pacte des Quatre nations (France, Grande-Bretagne, Italie,
Allemagne), le 7 juin 1933. " Histoire du Christianisme Magazine - n°9
" cite les documents du Foreign Office témoignant de l´état d´esprit
du nonce Pacelli au moment au concordat. Sans illusion, il disait en
substance à un diplomate britannique "Hitler ne violera peut-être pas
tous les points du concordat en même temps".
Les bus de la mort
"Mit brennender Sorge", un tournant
Pour Donovan, le bras de fer entre les Eglises et le Reich prend une
tournure décisive en 1937. La campagne, écrit-il, commença par une
encyclique de Pie XI distribuée clandestinement ( " Mit brennender
Sorge ", condamnant l´idéologie nazie, dont la rédaction finale est
due à Pacelli, futur Pie XII ). L´encyclique, commente Donovan,
dénonce les violations du concordat en avertissant que " dès le début,
les intrigues d´Hitler ont visé exclusivement à une guerre
d´extermination ". Donovan montre que le message a été bien reçu par
Hitler: il a répondu par "une répression graduelle et sans pitié"
contre les chrétiens, continue le Corriere. Le quotidien cite le cas
du pasteur Martin Niemoller, arrêté et traîné en justice. Le procès
l´ayant lavé de toute accusation, il fut cependant déporté par la
Gestapo dans un camp de concentration dont il ne sortit qu´à la fin de
la guerre. On sait qu´Hitler faisait enfermer à Dachau des milliers de
prêtres catholiques dont il faisait un objet de chantage pour les
évêques et le pape: des mesures de rétorsion suivaient les
protestations de la hiérarchie. Des évêques et des prêtres étaient
menacés et attaqués. Le quotidien italien cite cette déclaration du
maire de Baden, Robert Wagner: "Que le Vatican ne se fasse pas
d´illusion, sur la création de martyrs. Nous ne leur donnerons pas
satisfaction. Nous aurons des criminels, pas des martyrs".
Dachau : crematorium
Des martyrs, pas des criminels
Un oracle que l´histoire a démenti: Jean-Paul II a béatifié et
canonisé comme martyrs des victimes de la persécution nazie, en
Allemagne et en Pologne, prêtres, religieuses et religieux, et laïcs
de différentes conditions. Rappelons que dès septembre 1939,
c´est-à-dire de l´entrée des troupes du IIIe Reich en Pologne, des
prêtres catholiques ont été arrêtés et déportés selon une progression
continue. Des centaines d´entre eux ont servi, à Dachau, à des
expériences criminelles de la part de médecins nazis. Pour ne donner
qu´un exemple, 108 martyrs polonais du nazisme ont été béatifiés par
Jean-Paul II à Varsovie le 13 juin 1999.
Les protestants "pris en otage"
Donovan, explique la même source, donne la liste des étapes de "la
dissolution du christianisme" à travers les lois sur la religion en
Allemagne à partir de 1935, avec une sorte de "prise d´otage" des
Protestants non seulement en Allemagne, mais dans les pays occupés,
comme la Norvège, en les soumettant à une "administration contrôlée".
Les dossiers Donovan cite des dizaines de cas "d´intimidation de
l´Eglise catholique". Le Corriere retient la dévastation du bureau de
Mgr Stroll, à Rottenbourg, ou l´expulsion de l´évêque de Fribourg en
Brisgau de son diocèse avec accusation de haute trahison et
confiscation de toutes ses lettres pastorales adressées publiquement
aux fidèles.
Avec la déclaration de guerre, la persécution devient féroce, indique
Donovan: "le pasteur Dietrich Bonhoeffer est pendu pour complot contre
l´Etat, et des dizaines de prêtres catholiques finissent en camps de
concentration".
CITE DU VATICAN, mardi 5 mars 2002
[ Archives des Etats-Unis ]
Elles ne connaissaient pas leur destination...
Une repentance tardive de l'Holocauste:
Sous le titre « Nous nous souvenons. - Une réflexion sur la Shoah
», le Vatican a publié, le 16 mars 1998, une déclaration d'une
importance capitale. Ce texte émanait de la Commission vaticane pour
les relations avec le judaïsme.
Alors même que s'achevait le procès de M. Maurice Papon, ancien
secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous l'Occupation,
finalement condamné pour complicité de crimes contre l'humanité, le
grand rabbin de France, M. Joseph Sitruk, a tenu à marquer
l'importance de la déclaration du Vatican sur le génocide des juifs.
Il en a souligné trois conceptions clés : « L'appel aux chrétiens pour
une prise de conscience, la reconnaissance de la spécificité de la
Shoah et la culture antijudaïque diffusée par l'Eglise. »
[commentaire de ma part : l'antijudaïsme n'est pas l'antisémitisme]
Un horrible génocide
La Shoah est présentée par le pape comme un « crime », une « tache
indélébile de l'histoire du siècle ». Le document du 16 mars, à son
tour, parle de « cet horrible génocide » qui ne peut laisser personne
indifférent et surtout pas l'Eglise, « en raison de ses liens étroits
de parenté spirituelle avec le peuple juif, et de son souvenir des
injustices du passé ». Mais les années passées à élaborer ce texte
laissent deviner combien il a été difficile à tous les responsables de
l'Eglise de s'entendre avant de réussir à lui donner une portée
universelle. Car il n'a pas dû être facile de convaincre, en outre,
les épiscopats d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine d'entrer en
repentance - la teshouva des juifs - pour un événement du passé, situé
au coeur de l'Europe.
Ici et là, la déclaration du 16 mars évoque d'ailleurs la
difficulté pour les contemporains de l'événement de se représenter
l'horreur en train de s'accomplir. Comme l'avait écrit antérieurement
Saul Friedländer : « Si les nazis ne gardèrent pas le silence sur les
exécutions de chefs SA ou sur d'autres opposants politiques (...),
leur attitude concernant les juifs ne fut pas la même : l'impossible
fut tenté pour occulter les faits. »
Aux yeux des nazis, l'extermination des juifs représentait une
mission secrète et sacrée, dont Himmler pouvait dire à ses généraux en
1943 : « Elle est une page de gloire jamais écrite, et qui ne sera
jamais écrite, de notre histoire. (...) Notre tâche est d'accomplir
les besognes les plus dures et, en même temps, de garder pour
nous-mêmes ce que nous sommes seuls aptes à comprendre »
La libération arriva toujours trop tard
Ayant souligné la singularité de la Shoah, l'Eglise ne cherche pas
à passer sous silence d'autres persécutions désastreuses : le génocide
des Arméniens, la tragédie de l'Ukraine dans les années 30, le
génocide des Gitans, sans oublier de « semblables tragédies »,
résultats d'idées racistes, en Amérique, en Afrique, dans les Balkans,
ni les morts du Cambodge, de la Chine et de l'Union soviétique. Elle
ose même s'aventurer dans l'actualité la plus brûlante en parlant du «
drame du Proche-Orient, dont les composantes sont bien connues ». Les
ravages de l'intégrisme musulman ne sont cependant pas nommés, ni
d'ailleurs les effets destructeurs d'une certaine idéologie
ultrasioniste.
Four crématoire
Confrontation historique
Tous les commentateurs l'ont bien saisi : la déclaration vaticane
utilise deux concepts clés pour parler de cette confrontation
historique entre juifs et chrétiens : l'antijudaïsme et
l'antisémitisme. Le premier a été présent, plus ou moins fortement,
tout au long de l'histoire. Il est à distinguer d'un antisémitisme que
l'Eglise, comme telle, n'a pas voulu promouvoir. Mais la persécution
des juifs par les nazis n'a-t-elle pas été « facilitée » par « les
préjugés enracinés dans des esprits et des coeurs chrétiens » ? Il
paraît clair que la filiation de l'un à l'autre est plus forte que le
texte ne semble le dire.
Le document précise cependant, à juste titre, que la montée des
nationalismes dans l'Europe du XIXe siècle a été contemporaine de
l'apparition de théories fumeuses sur l'inégalité des races. L'Eglise
catholique a toujours lutté officiellement contre ces affirmations, en
particulier avec Pie XI. Les papes les ont condamnées, au nom de
l'égalité des hommes et des peuples devant Dieu, en invoquant toujours
l'unité du genre humain.
Hitler au pouvoir
L'antisémitisme est devenu particulièrement mortel quand il s'est
imposé comme idéologie officielle avec l'arrivée d'Adolf Hitler au
pouvoir, en 1933, et l'application, par les moyens de la violence
politique, des principes de Mein Kampf, qui distinguait le peuple des
« Seigneurs » et celui des « esclaves ».
Arrivée au camp : tatouage de numérotation :
dépersonnalisation totale !
Le document parle du paganisme de cet Etat nazi qui avait pris
racine en dehors du christianisme, dont il n'hésita pas, finalement, à
persécuter aussi les fidèles, comme ont pu le constater les déportés
au camp de Dachau.
La déclaration rappelle quelques grands noms dans le monde
catholique ayant élevé la voix contre cette perversion
politico-religieuse. Elle évoque ainsi le courage de nombreux
chrétiens anonymes. On ne peut juger, est-il dit en substance, « qu'au
cas par cas ».
Mais le texte du Vatican reste finalement discret sur les
responsabilités de la hiérarchie catholique et sur le « silence » du
pape Pie XII (1939-1958), ce qui explique la violence de certaines
réactions juives.
Il faut redire que Pie XII était sûrement l'une des personnes les
mieux informées de la situation mondiale. On accuse le Vatican de
garder des secrets sur son attitude, dans des archives qui ont été
récemment ouvertes, mais seulement jusqu'à l'année 1922. Une
commission d'historiens religieux a cependant travaillé sur le fond et
affirme ne pas avoir trouvé de révélations qu'on aurait cherché à
celer. On sait seulement qu'il y eut débat entre les instances
romaines pour savoir si le pape devait élever la voix. Il est vrai que
les archives allemandes, elles, sont ouvertes et qu'on n'y a pas
trouvé trace de correspondance entre l'appareil nazi et le pape Pie
XII, ce qui peut aussi bien renforcer la thèse du silence que
souligner la non-compromission de Pie XII dans des marchandages avec
Hitler et ses séides.
Barrer la route au " danger bolchevique "
Pie XII, juriste de formation, connaissait bien l'Allemagne (il
avait été nonce en Bavière) et ne voulait pas que les catholiques
allemands soient pris en otage en cas de représailles. Il est des pays
d'Europe, comme la Hollande, où des proclamations fortes de
l'épiscopat en faveur des juifs ont accéléré les persécutions au lieu
de les freiner. En outre, nul ne doit ignorer que la préoccupation
essentielle de Pie XII était d'abord de barrer la route au « danger
bolchevique », qui lui paraissait plus terrible encore que la « peste
brune».
Quant à la hiérarchie catholique, il est juste de dire qu'elle a
commis parfois des « dérapages », comme le reconnaît le texte français
du 30 septembre 1997. Un exemple au moins est resté célèbre : il
concerne l'attitude du cardinal Theodore Innitzer, archevêque de
Vienne. Au lendemain de l'Anschluss et de l'entrée des Allemands en
Autriche (12 mars 1938), ce dernier rend visite à Hitler et, le 15
mars, il adresse quelques directives au clergé catholique et aux
fidèles de l'archidiocèse de Vienne et du Burgenland : « Ceux qui ont
charge d'âmes et les fidèles, est-il dit au point 1, se rangeront sans
condition derrière le grand Etat allemand et le Führer, car la lutte
historique contre la criminelle illusion du bolchevisme et pour la
sécurité de la vie allemande, pour le travail et le pain, pour la
puissance et l'honneur du Reich et pour l'unité de la nation allemande
est visiblement accompagnée de la bénédiction de la Providence. »
L'Autriche
Le 27 mars suivant, une déclaration collective de l'épiscopat
d'Autriche, datée du 18 mars, pour soutenir le camp du « oui » au
rattachement de l'Autriche à l'Allemagne, est lue « dans toutes les
Eglises du territoire autrichien » : « (...) Nous reconnaissons avec
joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore oeuvre
éminente dans le domaine de la construction nationale et économique
comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et
la nation allemande, et notamment pour les couches les plus pauvres de
la population... Au jour du plébiscite, il va sans dire que c'est pour
nous un devoir national, en tant qu'Allemands, de nous déclarer pour
le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens
croyants qu'ils sauront ce qu'il doivent à leur nation. »
Le 1er avril 1938, le cardinal Innitzer exprima au cardinal
Bertram, président de la Conférence des évêques allemands réunie à
Fulda, l'espoir que ces derniers se rallieraient à la déclaration de
l'épiscopat autrichien sur le plébiscite (les Autrichiens se
prononcèrent finalement à 99,73 % en faveur du rattachement...). Au
bas de ce message, la signature du primat autrichien était précédée
d'un « Und Heil Hitler ! », écrit de sa main, qui scandalisera.
Exécution par pendaison
Le 2 avril, le quotidien L'Osservatore romano, organe du Vatican,
précise : « Nous sommes autorisés à communiquer [que la déclaration de
l'épiscopat autrichien] a été rédigée et souscrite sans aucune entente
préalable ou approbation postérieure du Saint-Siège, et sous l'unique
responsabilité du même épiscopat »
Vatican II
Ces temps sont révolus depuis que l'Eglise, au concile Vatican II,
a fait une déclaration que rappelle le présent document du 16 mars
1998 : « L'Eglise (...), attentive à son patrimoine commun avec les
juifs et poussée par l'amour spirituel de l'Evangile et non par des
considérations politiques, regrette vivement la haine, les
persécutions et les manifestations d'antisémitisme dirigées contre les
juifs en tout temps et de toute source. »
Le document romain du 16 mars 1998 insiste sur le fait que ce
regard critique sur le passé, même s'il est imparfait, doit être
tourné vers le futur, se faire memoria futuri. Selon ses propres mots,
Jésus était un descendant de David ; Marie et les Apôtres
appartenaient au peuple juif. Les juifs sont les « frères aînés » des
chrétiens, et, selon saint Paul, ils sont « la racine d'un arbre dont
les chrétiens sont les branches ».
Comment la branche pourrait-elle se couper de la racine qui la
porte ? Ces relectures théologiques et scripturaires s'imposent
désormais, avec retard et non sans certaines réticences, dans l'Eglise
catholique. Elles sont le meilleur garant des nouvelles conduites que
l'Eglise veut s'imposer dans ses relations avec le monde juif,
traumatisé par le déroulement de la Shoah en terre européenne et
chrétienne.
vue de leur substituer un culte racial, affirme l´historienne Julie
Selzer Mandel, qui a consulté des documents des services secrets des
Etats-Unis. Le"Corriere della Sera" du 4 mars 2002 donne un aperçu de
cette recherche, mettant en lumière ce qu´on appelle "la lutte entre
la croix et la swastika".
Le livre de Julie Selzer Mandel est le premier volume d´une série, et
il s´intitule: "Persécution des Eglises chrétiennes". Rappelons que
cette thèse de la volonté de supprimer les Eglises apparaît clairement
dans les discours du Führer.Les plus "religieux" ne sont pas mis au
courant.
Les responsables nazis voulaient extirper totalement le christianisme
et le remplacer par une religion raciale adaptée à leurs objectifs.
Ils croyaient pouvoir étouffer les Eglises protestante et catholique
en un temps relativement bref. Ils avaient établi un plan avant même
d´avoir pris le pouvoir.
Le plan est né des rencontres entre les chefs nazis auxquels Hitler
faisait le plus confiance: Goering, Goebbels, Rosenberg, Hess, Schemm,
Von Schirach. Des chefs moins anti-religieux comme Von Epp et Von
Papen n´ont probablement pas été mis au courant". C´est ainsi que
commencent les volumineux dossiers des services d´espionnage des
Etats-Unis de la seconde guerre mondiale (OSS) en vue du procès de
Nuremberg, sous la direction de William Donovan ("Wild Bill"),
fondateur de l´Office of Strategic Services (OSS), mort en 1959. Il
s´agit de 148 volumes conservés à la Cornell University.
Premier d´une série, Julie Selzer Mandel a publié le premier volume.
La thèse du livre est que Hitler avait décidé de supprimer les Eglises
et de mettre en place un néo-paganisme d´Etat exaltant la supériorité
de la race aryenne.
"Sur les relations entre le nazisme et les Eglises protestante et
catholique les jugements les plus opposés ont été exprimés", remarque
le Corriere qui ajoute: "Donovan - considéré par les media de l´époque
comme " les yeux et les oreilles du président Roosevelt " - en dessine
un cadre conflictuel.
Les dossiers de William Donovan, lui-même catholique, rassemblent de
nombreux documents sur le néo-paganisme nazi, en particulier des films
de rites ancestraux nocturnes en particulier pour les jeunes, à la
lumière de torches, avec force symboles et formules "magiques" et
allusion aux anciennes divinités de la mythologie germanique, à
commencer par Wotan (Odin), honoré par les chefs nazis.
Selon le Corriere toujours, l´un des piliers de cette "persécution des
Eglises" et du retour au paganisme était Baldur von Schirach, chef des
jeunesses hitlériennes.
Les "Odinistes" d´aujourd´hui protestent. Les disciples de
Wotan-Odin, encore présents, de l´Allemagne à l´Australie, ont
protesté à la publication du livre précise le quotidien italien,
défendant Hitler d´avoir déterré les vieilles idoles germaniques.
"Odin est mort" aurait déclaré Rosenberg. Et Von Schirach voulait
rassurer les familles: on n´allait pas pousser les jeunes à dresser
des autels dans les forêts. Les "odinistes" citent un passage de "
Mein Kampf " critiquant le paganisme du passé. Effectivement, Hitler
se moquait de ces cultes anciens. Mais ils étaient pris au sérieux par
des Rosenberg ou des Himmler.
La destruction du christianisme, objectif caché
C´est de Von Schirach que part Donovan pour montrer que "la
destruction du christianisme a été un élément clef du projet nazi de
conquête mondiale". En 1934, le chef des jeunesses hitlériennes
déclarait en effet que cette destruction "est explicitement reconnue
comme un objectif de notre mouvement, même s'il ne peut pas être
exprimé officiellement".
Les évêques allemands refusent les sacrements aux nazis.
Selon Donovan, Hitler voulait manipuler les Eglises dans un premier
temps, comptant sur leur "caractère conservateur" pour obtenir leur
soutien "pour la patrie et contre le communisme". Mais il était en
même temps conscient que les Eglises "n´auraient pas approuvé le
racisme, la guerre et l´asservissement à l´Etat", et se préparait à
les anéantir plus tard. Donovan souligne aussi que jusqu´à 1933, les
rapports étaient tendus : " En stigmatisant le nazisme comme
anti-chrétien, les évêques allemands refusèrent les sacrements aux
nazis et interdirent aux fidèles de les fréquenter ".
Or, en 1933, Hitler arrive au pouvoir, mais de façon "légitime", et le
paysage change lorsque l´ennemi représente l´Etat.
Un concordat imposé
Rappelons que c´est Hitler qui a voulu le concordat. La responsabilité
d´un refus serait retombée sur le Saint-Siège. Pendant les
tractations, pour faire pression sur l´Eglise, Hitler a fait jeter en
prison quatre-vingt douze prêtres catholiques, fermer neuf journaux
catholiques, et perquisitionner des dizaines de cercles de jeunes
proches de l´Eglise. D´autre part, un concordat n´est pas un traité
d´amitié mais un document juridique pour gérer les relations entre
l´Eglise et l´Etat dans une Nation et une situation donnée. Avant le
concordat imposé par Hitler, les Occidentaux avait signé avec le Reich
le "Pacte des Quatre nations (France, Grande-Bretagne, Italie,
Allemagne), le 7 juin 1933. " Histoire du Christianisme Magazine - n°9
" cite les documents du Foreign Office témoignant de l´état d´esprit
du nonce Pacelli au moment au concordat. Sans illusion, il disait en
substance à un diplomate britannique "Hitler ne violera peut-être pas
tous les points du concordat en même temps".
Les bus de la mort
"Mit brennender Sorge", un tournant
Pour Donovan, le bras de fer entre les Eglises et le Reich prend une
tournure décisive en 1937. La campagne, écrit-il, commença par une
encyclique de Pie XI distribuée clandestinement ( " Mit brennender
Sorge ", condamnant l´idéologie nazie, dont la rédaction finale est
due à Pacelli, futur Pie XII ). L´encyclique, commente Donovan,
dénonce les violations du concordat en avertissant que " dès le début,
les intrigues d´Hitler ont visé exclusivement à une guerre
d´extermination ". Donovan montre que le message a été bien reçu par
Hitler: il a répondu par "une répression graduelle et sans pitié"
contre les chrétiens, continue le Corriere. Le quotidien cite le cas
du pasteur Martin Niemoller, arrêté et traîné en justice. Le procès
l´ayant lavé de toute accusation, il fut cependant déporté par la
Gestapo dans un camp de concentration dont il ne sortit qu´à la fin de
la guerre. On sait qu´Hitler faisait enfermer à Dachau des milliers de
prêtres catholiques dont il faisait un objet de chantage pour les
évêques et le pape: des mesures de rétorsion suivaient les
protestations de la hiérarchie. Des évêques et des prêtres étaient
menacés et attaqués. Le quotidien italien cite cette déclaration du
maire de Baden, Robert Wagner: "Que le Vatican ne se fasse pas
d´illusion, sur la création de martyrs. Nous ne leur donnerons pas
satisfaction. Nous aurons des criminels, pas des martyrs".
Dachau : crematorium
Des martyrs, pas des criminels
Un oracle que l´histoire a démenti: Jean-Paul II a béatifié et
canonisé comme martyrs des victimes de la persécution nazie, en
Allemagne et en Pologne, prêtres, religieuses et religieux, et laïcs
de différentes conditions. Rappelons que dès septembre 1939,
c´est-à-dire de l´entrée des troupes du IIIe Reich en Pologne, des
prêtres catholiques ont été arrêtés et déportés selon une progression
continue. Des centaines d´entre eux ont servi, à Dachau, à des
expériences criminelles de la part de médecins nazis. Pour ne donner
qu´un exemple, 108 martyrs polonais du nazisme ont été béatifiés par
Jean-Paul II à Varsovie le 13 juin 1999.
Les protestants "pris en otage"
Donovan, explique la même source, donne la liste des étapes de "la
dissolution du christianisme" à travers les lois sur la religion en
Allemagne à partir de 1935, avec une sorte de "prise d´otage" des
Protestants non seulement en Allemagne, mais dans les pays occupés,
comme la Norvège, en les soumettant à une "administration contrôlée".
Les dossiers Donovan cite des dizaines de cas "d´intimidation de
l´Eglise catholique". Le Corriere retient la dévastation du bureau de
Mgr Stroll, à Rottenbourg, ou l´expulsion de l´évêque de Fribourg en
Brisgau de son diocèse avec accusation de haute trahison et
confiscation de toutes ses lettres pastorales adressées publiquement
aux fidèles.
Avec la déclaration de guerre, la persécution devient féroce, indique
Donovan: "le pasteur Dietrich Bonhoeffer est pendu pour complot contre
l´Etat, et des dizaines de prêtres catholiques finissent en camps de
concentration".
CITE DU VATICAN, mardi 5 mars 2002
[ Archives des Etats-Unis ]
Elles ne connaissaient pas leur destination...
Une repentance tardive de l'Holocauste:
Sous le titre « Nous nous souvenons. - Une réflexion sur la Shoah
», le Vatican a publié, le 16 mars 1998, une déclaration d'une
importance capitale. Ce texte émanait de la Commission vaticane pour
les relations avec le judaïsme.
Alors même que s'achevait le procès de M. Maurice Papon, ancien
secrétaire général de la préfecture de la Gironde sous l'Occupation,
finalement condamné pour complicité de crimes contre l'humanité, le
grand rabbin de France, M. Joseph Sitruk, a tenu à marquer
l'importance de la déclaration du Vatican sur le génocide des juifs.
Il en a souligné trois conceptions clés : « L'appel aux chrétiens pour
une prise de conscience, la reconnaissance de la spécificité de la
Shoah et la culture antijudaïque diffusée par l'Eglise. »
[commentaire de ma part : l'antijudaïsme n'est pas l'antisémitisme]
Un horrible génocide
La Shoah est présentée par le pape comme un « crime », une « tache
indélébile de l'histoire du siècle ». Le document du 16 mars, à son
tour, parle de « cet horrible génocide » qui ne peut laisser personne
indifférent et surtout pas l'Eglise, « en raison de ses liens étroits
de parenté spirituelle avec le peuple juif, et de son souvenir des
injustices du passé ». Mais les années passées à élaborer ce texte
laissent deviner combien il a été difficile à tous les responsables de
l'Eglise de s'entendre avant de réussir à lui donner une portée
universelle. Car il n'a pas dû être facile de convaincre, en outre,
les épiscopats d'Afrique, d'Asie ou d'Amérique latine d'entrer en
repentance - la teshouva des juifs - pour un événement du passé, situé
au coeur de l'Europe.
Ici et là, la déclaration du 16 mars évoque d'ailleurs la
difficulté pour les contemporains de l'événement de se représenter
l'horreur en train de s'accomplir. Comme l'avait écrit antérieurement
Saul Friedländer : « Si les nazis ne gardèrent pas le silence sur les
exécutions de chefs SA ou sur d'autres opposants politiques (...),
leur attitude concernant les juifs ne fut pas la même : l'impossible
fut tenté pour occulter les faits. »
Aux yeux des nazis, l'extermination des juifs représentait une
mission secrète et sacrée, dont Himmler pouvait dire à ses généraux en
1943 : « Elle est une page de gloire jamais écrite, et qui ne sera
jamais écrite, de notre histoire. (...) Notre tâche est d'accomplir
les besognes les plus dures et, en même temps, de garder pour
nous-mêmes ce que nous sommes seuls aptes à comprendre »
La libération arriva toujours trop tard
Ayant souligné la singularité de la Shoah, l'Eglise ne cherche pas
à passer sous silence d'autres persécutions désastreuses : le génocide
des Arméniens, la tragédie de l'Ukraine dans les années 30, le
génocide des Gitans, sans oublier de « semblables tragédies »,
résultats d'idées racistes, en Amérique, en Afrique, dans les Balkans,
ni les morts du Cambodge, de la Chine et de l'Union soviétique. Elle
ose même s'aventurer dans l'actualité la plus brûlante en parlant du «
drame du Proche-Orient, dont les composantes sont bien connues ». Les
ravages de l'intégrisme musulman ne sont cependant pas nommés, ni
d'ailleurs les effets destructeurs d'une certaine idéologie
ultrasioniste.
Four crématoire
Confrontation historique
Tous les commentateurs l'ont bien saisi : la déclaration vaticane
utilise deux concepts clés pour parler de cette confrontation
historique entre juifs et chrétiens : l'antijudaïsme et
l'antisémitisme. Le premier a été présent, plus ou moins fortement,
tout au long de l'histoire. Il est à distinguer d'un antisémitisme que
l'Eglise, comme telle, n'a pas voulu promouvoir. Mais la persécution
des juifs par les nazis n'a-t-elle pas été « facilitée » par « les
préjugés enracinés dans des esprits et des coeurs chrétiens » ? Il
paraît clair que la filiation de l'un à l'autre est plus forte que le
texte ne semble le dire.
Le document précise cependant, à juste titre, que la montée des
nationalismes dans l'Europe du XIXe siècle a été contemporaine de
l'apparition de théories fumeuses sur l'inégalité des races. L'Eglise
catholique a toujours lutté officiellement contre ces affirmations, en
particulier avec Pie XI. Les papes les ont condamnées, au nom de
l'égalité des hommes et des peuples devant Dieu, en invoquant toujours
l'unité du genre humain.
Hitler au pouvoir
L'antisémitisme est devenu particulièrement mortel quand il s'est
imposé comme idéologie officielle avec l'arrivée d'Adolf Hitler au
pouvoir, en 1933, et l'application, par les moyens de la violence
politique, des principes de Mein Kampf, qui distinguait le peuple des
« Seigneurs » et celui des « esclaves ».
Arrivée au camp : tatouage de numérotation :
dépersonnalisation totale !
Le document parle du paganisme de cet Etat nazi qui avait pris
racine en dehors du christianisme, dont il n'hésita pas, finalement, à
persécuter aussi les fidèles, comme ont pu le constater les déportés
au camp de Dachau.
La déclaration rappelle quelques grands noms dans le monde
catholique ayant élevé la voix contre cette perversion
politico-religieuse. Elle évoque ainsi le courage de nombreux
chrétiens anonymes. On ne peut juger, est-il dit en substance, « qu'au
cas par cas ».
Mais le texte du Vatican reste finalement discret sur les
responsabilités de la hiérarchie catholique et sur le « silence » du
pape Pie XII (1939-1958), ce qui explique la violence de certaines
réactions juives.
Il faut redire que Pie XII était sûrement l'une des personnes les
mieux informées de la situation mondiale. On accuse le Vatican de
garder des secrets sur son attitude, dans des archives qui ont été
récemment ouvertes, mais seulement jusqu'à l'année 1922. Une
commission d'historiens religieux a cependant travaillé sur le fond et
affirme ne pas avoir trouvé de révélations qu'on aurait cherché à
celer. On sait seulement qu'il y eut débat entre les instances
romaines pour savoir si le pape devait élever la voix. Il est vrai que
les archives allemandes, elles, sont ouvertes et qu'on n'y a pas
trouvé trace de correspondance entre l'appareil nazi et le pape Pie
XII, ce qui peut aussi bien renforcer la thèse du silence que
souligner la non-compromission de Pie XII dans des marchandages avec
Hitler et ses séides.
Barrer la route au " danger bolchevique "
Pie XII, juriste de formation, connaissait bien l'Allemagne (il
avait été nonce en Bavière) et ne voulait pas que les catholiques
allemands soient pris en otage en cas de représailles. Il est des pays
d'Europe, comme la Hollande, où des proclamations fortes de
l'épiscopat en faveur des juifs ont accéléré les persécutions au lieu
de les freiner. En outre, nul ne doit ignorer que la préoccupation
essentielle de Pie XII était d'abord de barrer la route au « danger
bolchevique », qui lui paraissait plus terrible encore que la « peste
brune».
Quant à la hiérarchie catholique, il est juste de dire qu'elle a
commis parfois des « dérapages », comme le reconnaît le texte français
du 30 septembre 1997. Un exemple au moins est resté célèbre : il
concerne l'attitude du cardinal Theodore Innitzer, archevêque de
Vienne. Au lendemain de l'Anschluss et de l'entrée des Allemands en
Autriche (12 mars 1938), ce dernier rend visite à Hitler et, le 15
mars, il adresse quelques directives au clergé catholique et aux
fidèles de l'archidiocèse de Vienne et du Burgenland : « Ceux qui ont
charge d'âmes et les fidèles, est-il dit au point 1, se rangeront sans
condition derrière le grand Etat allemand et le Führer, car la lutte
historique contre la criminelle illusion du bolchevisme et pour la
sécurité de la vie allemande, pour le travail et le pain, pour la
puissance et l'honneur du Reich et pour l'unité de la nation allemande
est visiblement accompagnée de la bénédiction de la Providence. »
L'Autriche
Le 27 mars suivant, une déclaration collective de l'épiscopat
d'Autriche, datée du 18 mars, pour soutenir le camp du « oui » au
rattachement de l'Autriche à l'Allemagne, est lue « dans toutes les
Eglises du territoire autrichien » : « (...) Nous reconnaissons avec
joie que le mouvement national-socialiste a fait et fait encore oeuvre
éminente dans le domaine de la construction nationale et économique
comme aussi dans le domaine de la politique sociale pour le Reich et
la nation allemande, et notamment pour les couches les plus pauvres de
la population... Au jour du plébiscite, il va sans dire que c'est pour
nous un devoir national, en tant qu'Allemands, de nous déclarer pour
le Reich allemand, et nous attendons également de tous les chrétiens
croyants qu'ils sauront ce qu'il doivent à leur nation. »
Le 1er avril 1938, le cardinal Innitzer exprima au cardinal
Bertram, président de la Conférence des évêques allemands réunie à
Fulda, l'espoir que ces derniers se rallieraient à la déclaration de
l'épiscopat autrichien sur le plébiscite (les Autrichiens se
prononcèrent finalement à 99,73 % en faveur du rattachement...). Au
bas de ce message, la signature du primat autrichien était précédée
d'un « Und Heil Hitler ! », écrit de sa main, qui scandalisera.
Exécution par pendaison
Le 2 avril, le quotidien L'Osservatore romano, organe du Vatican,
précise : « Nous sommes autorisés à communiquer [que la déclaration de
l'épiscopat autrichien] a été rédigée et souscrite sans aucune entente
préalable ou approbation postérieure du Saint-Siège, et sous l'unique
responsabilité du même épiscopat »
Vatican II
Ces temps sont révolus depuis que l'Eglise, au concile Vatican II,
a fait une déclaration que rappelle le présent document du 16 mars
1998 : « L'Eglise (...), attentive à son patrimoine commun avec les
juifs et poussée par l'amour spirituel de l'Evangile et non par des
considérations politiques, regrette vivement la haine, les
persécutions et les manifestations d'antisémitisme dirigées contre les
juifs en tout temps et de toute source. »
Le document romain du 16 mars 1998 insiste sur le fait que ce
regard critique sur le passé, même s'il est imparfait, doit être
tourné vers le futur, se faire memoria futuri. Selon ses propres mots,
Jésus était un descendant de David ; Marie et les Apôtres
appartenaient au peuple juif. Les juifs sont les « frères aînés » des
chrétiens, et, selon saint Paul, ils sont « la racine d'un arbre dont
les chrétiens sont les branches ».
Comment la branche pourrait-elle se couper de la racine qui la
porte ? Ces relectures théologiques et scripturaires s'imposent
désormais, avec retard et non sans certaines réticences, dans l'Eglise
catholique. Elles sont le meilleur garant des nouvelles conduites que
l'Eglise veut s'imposer dans ses relations avec le monde juif,
traumatisé par le déroulement de la Shoah en terre européenne et
chrétienne.