nadjet.djellali@gmail.com hafsa
2009-04-28 13:35:57 UTC
Source de l'article : http://www.nouvellescles.com/article.php3?id_article=445
Après s’être farouchement opposées, science et spiritualité ont
abouti, au XXe siècle, à une coexistence pacifique : le regard
scientifique n’interdit plus l’hypothèse d’une transcendance. Mieux :
désormais, dirait-on, toutes les sciences posent la question centrale
d’un Sens qui échappe à la raison pure.
La science a-t-elle quelque chose à dire sur le sens ? Il y a de la
hardiesse à poser une telle question parce que, pour les deux écoles
qui ont dominé la pensée scientifique du XXe siècle - le matérialime
et une spiritualité que j’appellerais « séparationiste » -, la réponse
est non. En effet, après la poussée scientiste du xixe siècle, un
modus vivendi s’est établi. Matérialistes et spiritualistes admettent
tous deux que la science n’est plus toute puissante, qu’elle ne
détient pas la Vérité avec un grand « v » comme l’a cru un Berthelot,
et donc qu’elle ne peut interdire la foi. Leurs positions
scientifiques ne diffèrent pas : la science n’a rien à dire sur le
sens, il s’agit de deux domaines séparés et la question du sens dépend
des convictions de chacun. Certes, cette possibilité donnée par
l’écroulement du scientisme est déjà en soi une grande nouvelle,
puisque, pour les scientifiques d’avant la Première Guerre mondiale
comme pour le grand public au cours du XXe siècle, la science avait pu
paraître s’opposer aux différentes traditions de l’humanité qui,
elles, postulaient l’existence d’un tel sens. Oui, voilà une grande
nouvelle : depuis les années vingt de ce siècle (mais il faut du temps
pour que tous soient avertis), la science admet la possibilité d’une
transcendance. Ainsi, le prix Nobel de physique Eddington a-t-il pu
dire en faisant référence à l’année d’élaboration de la synthèse de la
mécanique quantique : « Après 1927, il est devenu possible à un homme
intelligent de croire en Dieu. » Attention : il s’agit là d’une
possibilité, rien de plus. Et il ne semble guère possible d’aller plus
loin. En effet, une fois descendue du piédestal où l’avait placée le
scientisme, la science ne peut prétendre à des conclusions d’ordre
ontologique - notamment parce qu’on ne peut jamais dire qu’une théorie
scientifique est vraie, mais seulement, comme l’a montré Karl Popper,
qu’elle n’a pas encore été démentie par l’expérience.
Le « pas en plus »
Ce que nous allons essayer de faire ici, c’est de voir comment il
pourrait être possible de faire un pas en plus (oh ! juste un petit
pas supplémentaire) à partir de cette position si raisonnable qu’elle
semble indépassable.
Le premier point, essentiel, est d’ordre méthodologique. Quand on
parle des conséquences des nouvelles théories scientifiques, on ne
sépare pas assez souvent les faits parlant en faveur d’un autre niveau
de réalité de ceux concernant l’existence d’un sens à cet autre
niveau. Fourastié note que, pour les matérialistes, le réel existant
se confond avec le réel observable ou qui sera observé dans le futur.
L’existence d’un autre niveau de réalité qui ne serait ni observable
ni détectable ne saurait bien évidemment concerner la science.
L’éventuelle démonstration scientifique de l’existence d’un tel autre
niveau constituerait donc une première partie du pas que nous
cherchons à accomplir. Mais cela ne suffit pas, car rien ne garantit
l’existence d’un sens à cet autre niveau (il pourrait y régner le
chaos). De plus, il y a des « matérialistes intelligents », selon
l’expression du philosophe André Comte-Sponville, qui admettent
l’existence de cet autre niveau. Selon lui, être matérialiste, c’est
être étranger à l’univers, c’est avoir des projets, des sentiments
dans un univers qui n’a ni projets ni sentiments. Être croyant, c’est
au contraire être chez soi dans l’univers, c’est penser que, comme
nous, il a des projets et des sentiments. Voici donc la vraie
question : sommes-nous ou non étrangers à l’univers ?
Les pièces du dossier
La physique quantique : Certes une onde n’est pas plus spirituelle
qu’une particule, comme me le faisait remarquer M.-P. Schutzenberger,
mais cette « déchosification » de la matière, selon l’expression de
Bernard d’Espagnat, qu’amène la physique quantique, le fait que les
constituants fondamentaux des objets ne soient pas des objets, est une
situation moins « confortable » pour un matérialiste que celle qui l’a
précédée. On accède ici à un niveau de complexité du réel où déjà
certaines certitudes se dissolvent. On peut ensuite carrément parler
d’autres niveaux de réalité avec l’apport de la non-séparabilité,
cette influence mystérieuse qui relie deux particules en échappant à
l’espace et au temps. Il existe ainsi une « causalité globale » dans
l’univers qui, quelles que soient les explications envisagées,
nécessite l’existence de cet autre niveau.
L’astrophysique : Le big-bang n’est pas la preuve d’un commencement de
l’univers, puisqu’on ne peut remonter au-delà du temps de Planck
(10-43 seconde « après » un début supposé), mais elle rend cette
hypothèse au moins aussi probable que le contraire, comme le dit Trinh
Xuan Thuan : « La notion de création introduite dans la pensée
cosmologique par saint Thomas d’Aquin au xiiie siècle, puis écartée
avec dédain par Laplace et ses successeurs, trouvait ainsi un support
scientifique au moment où l’on s’y attendait le moins. » 1 Le principe
anthropique, lui, par contre (l’existence d’un réglage
particulièrement précis de l’univers sans lequel la vie n’aurait pu
apparaître), pose directement la question du sens ; c’est sur lui que
le physicien de Princeton Freeman Dyson s’appuie pour répondre à la
question fondamentale, celle de notre rapport à l’Univers : « Je ne me
sens pas étranger dans l’Univers, plus je l’examine et étudie en
détail son architecture, plus je découvre de preuves qu’il attendait
sans doute notre venue » 2, prenant ainsi l’exact contre-pied de Monod
qui affirmait : « L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité
indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard. »3
La biologie : Dans la vision darwinienne et néodarwinienne la vie est
« un long fleuve tranquille », un continuum où la notion d’espèce
n’existe pas vraiment, la transformation d’une espèce en une autre
étant continue et insensible. Sous la contrainte de faits liés à
l’anatomie comparée comme à la paléontologie, les théories de
l’évolution actuelles ont dû réviser ce jugement : ainsi Stephen Jay
Gould nous dit-il que l’évolution ressemble plutôt à la vie d’un
policier : de longues périodes d’inactivité entrecoupées de quelques
minutes de terreur. Ainsi un paléontologue comme Roberto Fondi, un
biologiste moléculaire comme Michael Denton défendent-ils une telle
conception dans laquelle ce sont les types (homme, chien, papillon,
champignon...) qui existent et il ne saurait y avoir d’intermédiaires
entre eux. Mais comment le passage d’un type à l’autre pourrait-il
être le fruit du hasard ? Cette conception a été depuis fortement
renforcée par les travaux d’Anne Dambricourt-Malassé montrant
l’existence « d’embryogenèses fondamentales », véritables « plans
d’organisation » sur lesquels reposent les types.
Cela pose immédiatement le problème de l’existence d’archétypes
correspondant aux idées platoniciennes, sortes « d’attracteurs »
dirigeant les macromutations nécessaires pour passer d’un type à un
autre, et nous renvoie à cette notion d’autres niveaux de réalité. La
biologie pose aussi la question du sens. Le célèbre argument de
William Paley selon lequel en rencontrant une montre dans le désert on
postulerait l’existence d’un horloger et non sa fabrication à partir
de l’érosion due à l’eau et au vent, et que donc, face à un système
vivant, il faut postuler un créateur, a été réfuté par David Hume.
Selon lui, l’analogie entre systèmes vivants et machines n’est que
très imparfaite. Pour conclure qu’un objet est dû à un créateur
intelligent, il faut que l’analogie avec une machine soit très forte.
Mais Michael Denton a fait remarquer que pour une civilisation
primitive un objet comme une calculatrice ne saurait passer pour un
artefact, car il s’agit d’une technique trop avancée par rapport à
celle concevable pour une telle civilisation. Ainsi, selon lui, les
progrès de la biochimie et de la biologie moléculaire infirment la
critique de Hume : « Dans toutes les directions où se pose son regard,
le biochimiste qui chemine à travers le fantastique labyrinthe
moléculaire aperçoit des dispositifs et des applications qui lui
rappellent la technologie la plus avancée de ce siècle. Nous avons
observé un monde aussi artificiel que le nôtre, aussi familier que si
nous avions tendu un miroir devant nos propres machines. » Il n’hésite
pas à conclure par l’une des phrases les plus audacieuses écrites par
un biologiste contemporain : « L’hypothèse de la création intelligente
de la Vie est un concept métaphysique a priori qui doit donc être
rejeté comme dépourvu de toute valeur scientifique. Au contraire,
l’inférence de la création est une induction a posteriori qui procède
inéluctablement de la logique de l’analogie entre système vivant et
technologie avancée. Même si la conclusion peut avoir des implications
religieuses elle ne dépend pas de présupposés religieux. » 4
La neurologie : On localise de mieux en mieux les aires visuelles,
auditives, les aires du langage, mais comme l’ont montré Libet et
Lambert, quelque chose échappe à toute représentation en termes de
neurones, et ce quelque chose c’est l’essentiel, c’est l’unité de
l’esprit humain, notre « soi conscient », dirait Eccles 5.
Les mathématiques : Einstein disait : « Le plus incompréhensible,
c’est que le monde soit compréhensible », indiquant par là que le seul
fait qu’une mathématique soit possible et fonctionne indique
l’existence d’un certain lien entre la structure du monde et l’esprit
humain.
Des débats récents comme celui de Connes et Changeux 6 ont remis à
l’ordre du jour la question du « platonisme » en mathématiques. Il
apparaît clairement que les concepts mathématiques existent en dehors
de l’espace, du temps et du cerveau humain.
Résumons-nous : nous voyon poindre dans toutes les grandes disciplines
scientifiques « des choses cachées derrière les choses », selon
l’expression de Jacques Prévert. Derrière la non-séparabilité en
physique quantique, derrière le big-bang, derrière les archétypes de
l’évolution, derrière le cerveau humain et les mathématiques se
profile « le réel voilé », selon l’expression de Bernard d’Espagnat,
ou « l’ordre impliqué » de David Bohm. Ainsi semble accomplie la
première partie du « pas en plus ». Le principe anthropique et le
caractère de technologie avancée du phénomène vivant ne sauraient à
eux seuls prouver l’existence d’une finalité ; ils nous fournissent
néanmoins des « symptômes de sens », comme le dirait J.-F. Lambert.
Nous devons faire maintenant face à une objection fondamentale : au
nom de quoi allons-nous dire que tout cela ne va pas disparaître avec
les progrès de la science, et que ceux-ci ne vont pas faire voler en
éclats la notion d’autres niveaux de réalité ? Au nom d’une tendance,
d’un postulat et d’un théorème.
La tendance, c’est justement celle qui se manifeste dans tous les
domaines scientifiques en même temps (avec quelques décennies de
décalage). L’une des expressions clés de la vision nouvelle, c’est le
holisme, l’idée que le tout est plus que la somme des parties. Cela
s’applique ici : s’il n’y avait que la mécanique quantique ou que
l’astrophysique à aller dans ce sens la démonstration n’aurait pas la
même valeur. Mais auparavant, aussi, toutes les sciences allaient dans
le même sens, et c’était celui du réductionnisme et du matérialisme.
Alors ? C’est là qu’intervient le postulat. Il consiste à affirmer que
la science ne connaîtra plus jamais d’état d’indéterminisme comparable
à celui existant avant notre civilisation (« le ciel qui peut nous
tomber sur la tête » !), ni d’état de déterminisme absolu que nous
avons connu au début du siècle.
Si l’on faisait un graphique pour montrer l’évolution des conceptions
scientifiques entre les notions de déterminisme et d’indéterminisme,
on verrait la courbe se stabiliser au milieu de la figure, ce qui
correspondrait à une vision du monde que j’appellerais « semi-
déterminée ». En fonction d’un tel postulat, même s’il est conçu d’une
manière très différente, cet « autre niveau de réalité » existera
toujours, une fois dépassée l’étape de la méconnaissance scientifique
et celle de l’illusion de l’omniscience. Certains protesteront en
s’exclamant comme Jean-Pierre Changeux qu’on ne saurait assigner des
limites à la science. C’est là qu’intervient le théorème. Le théorème
de Gödel, l’un des postulats les plus importants de ce siècle, affirme
justement que « tout système fini d’axiomes contient au moins une
proposition indécidable. » On peut dire qu’il s’agit ainsi de la
démonstration que l’on ne pourra jamais tout démontrer.
Auto-organisation et incomplétude
Nous voici donc avec nos symptômes de sens. Mais il faut tout de suite
noter que le sens recherché peut être de deux natures différentes.
Soit il s’agit d’un sens qui ne préexiste pas au monde mais se
construit avec lui (le sens émerge du rapport de l’homme avec le
monde) ; c’est alors l’idée d’auto-organisation. Soit il s’agit d’un
sens situé au minimum « aux marges du monde », selon l’expression de
Wittgenstein, voire provenant du « tout autre » de la théologie judéo-
chrétienne. J’ai nommé cette école celle « de l’incomplétude »,
puisqu’elle postule l’incomplétude irrémédiable du monde
appréhendable. Je ne le ferai pas ici, car ce serait réducteur de
coller ainsi des étiquettes sur des hommes, mais il semble que la
grande majorité des scientifiques participant à ce que l’on nomme « le
nouveau paradigme » peuvent se répartir de façon à peu près équitable
dans l’une ou l’autre de ces écoles.
Ainsi, il semble, que la « cohabitation-confrontation » qui a existé
au XXe siècle entre matérialistes et séparationnistes croyants
(j’appelle ainsi les religieux qui pensent que la science n’a rien à
dire sur le sens) sera remplacée au XXIe siècle par une autre, entre
tenants de l’auto-organisation et tenants de l’incomplétude.
Le nécessaire réenchantement
Quelle que soit l’importance des différences existant entre ces deux
tendances, il faut noter ici qu’elles sont pour l’instant « compagnons
de route » sur la voie d’un réenchantement de l’homme et du monde. En
effet, notre société est la première où il a été possible de concevoir
de façon majoritaire le monde comme absurde. Une grande partie du
désarroi contemporain, la montée des suicides, de la consommation de
médicaments, peuvent être attribués à ce sentiment que notre existence
serait dépourvue de sens.
Basarab Nicolescu et Jean-François Lambert sont à ma connaissance deux
des auteurs qui ont le mieux perçu les ravages qu’a générés à long
terme l’abandon de toute quête du sens. « Nous étions en danger de
mort, sous l’influence de maîtres à penser prônant un seul niveau de
Réalité, horizontal, où tout tourne en rond et engendre fatalement le
chaos, l’anarchie, l’auto-destruction » 7, dit Nicolescu.
Lambert lui fait écho : « Si l’homme n’est qu’un ensemble de
molécules, et si l’univers est dépourvu de signification, alors, comme
le dit R. de Gopegui, on n’est pas bon ou méchant, intelligent ou sot,
etc., mais bien ou mal programmé. Il s’ensuit que nous n’avons aucune
responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes ni vis-à-vis d’autrui.
L’éthique est inutile. S’il n’y a pas de sujet, il n’y a pas
d’humanisme, et s’il n’y a pas de sens, il n’y a pas de sujet...
L’humanisme scientiste ne peut proposer qu’une éthique “réduite aux
acquêts”, livrée aux caprices des plus malins ou des plus cyniques. »
8 Or, dans notre société, c’est la science et non plus la religion ou
la philosophie qui, comme auparavant, détermine notre vision de
l’homme et du monde, vision qui a des répercussions essentielles sur
notre société. Et depuis trois siècles la science nous donne une
vision déterministe et mécaniste de l’homme. C’est pourquoi, comme le
dit Nicolescu, « la rencontre contemporaine entre la science et le
sens est un événement capital qui va probablement engendrer la seule
vraie révolution de ce siècle. »
C’est pourquoi ces deux voies, incomplétude et auto-organisation, en
redécouvrant la possibilité de l’existence d’un sens dans l’univers,
jouent un rôle qui va bien au-delà d’un simple questionnement
philosophique, mais sont susceptibles d’agir sur nos rapports avec la
nature, avec les autres, avec nous-mêmes. Le fait que la science ait «
découvert par ses propres moyens l’existence de niveaux de réalité »,
comme le dit Nicolescu, rend ainsi « la quête de l’Être non a priori
absurde », comme l’affirme d’Espagnat. 9
L’intuition (ou révélation) fondamentale
Scientifiquement, il n’est pas possible d’aller plus loin. Mais si
nous voulons aller au bout de notre « pas en plus », de ce pas en
avant que nous essayons d’accomplir depuis la position «
séparationniste » sage et sans danger, il nous faut maintenant nous
plonger dans l’étude des grandes traditions de l’humanité.
Nous sommes là face au choix suivant : soit les différentes religions
ont été inventées par l’homme pour répondre à son angoisse devant la
mort, à son étrangeté dans cet univers où il a surgi par hasard ; soit
par une voie quelconque, intuition ou révélation, les religions
contiennent une information véritable sur la structure du monde. Nous
ne pouvons plus écarter dédaigneusement cette possibilité, car notre
parcours à travers la science nous a montré, comme le dit d’Espagnat,
qu’« on ne peut plus exclure que d’autres formes de connaissance nous
apportent également des lueurs sur le réel. »
Pour départager ces deux hypothèses, la question clé est celle de la
cohérence. Si derrière les formes et les images propres à chaque
civilisation apparaît une cohérence intérieure plus forte que ce que
l’on peut normalement attendre, alors la deuxième hypothèse deviendra
crédible. Je n’ai ni la compétence ni la place pour faire ici une
analyse comparée des religions, je désire simplement, en survolant
rapidement les grandes traditions de l’humanité, montrer qu’en tous
temps et en tous lieux on y retrouve une intuition fondamentale, celle
d’un univers à deux niveaux de réalité, où le premier, hors du temps,
de l’espace, de la matière, celui de l’incomplétude, engendre lors
d’une rupture un deuxième niveau, celui du devenir et de l’évolution,
où se déroulent des processus d’auto-organisation.
L’hindouisme : Malgré les apparences, la doctrine védique n’est ni
polythéiste ni panthéiste, les diverses puissances ne sont que les
noms des énergies divines. Au-delà, il y a le sens suprême sans
définition aucune, le principe situé hors du temps, notion que nous
allons retrouver dans les autres traditions. Puis il y a rupture,
division (division dont on peut dire qu’elle est l’équivalent de la
chute des religions du Livre), pour qu’au-delà de l’un apparaissent
multiplicité et devenir.
Le bouddhisme : Certains auteurs modernes ont affirmé que le
bouddhisme était un matérialisme : le bouddhisme dans sa pureté
primitive ignorerait l’existence de Dieu, nierait l’existence de
l’âme, serait surtout un code moral. « Malheureusement, ces trois
propositions sont fausses, nous dit Ananda Coomaraswamy ; la haute
éthique du bouddhisme n’est qu’un stade préliminaire. Les textes les
plus anciens montrent que l’essentiel se trouve dans la vie
contemplative, les spéculations matérialistes sont bien postérieures.
» 10
Le Bouddha dit de la façon la plus claire : « Il y a un non-né, non-
devenu, non-créé, non-composé, et s’il n’existait pas il ne pourrait y
avoir aucun chemin d’évasion hors de la naissance, du devenir, de la
création et de la composition » 11, affirmant ainsi l’existence de ces
deux niveaux de réalité, celui du devenir et celui situé hors du temps
et de l’espace, et le fait que le but de la vie est bien de rejoindre
ce dernier.
Le taoïsme : Pour le taoïsme aussi il existe parfois une ambiguïté. En
se basant sur le Yi king, le livre des transformations, on a pu
concevoir la pensée chinoise comme matérialiste.
Or Lao-tseu nous dit : « Ce qu’on appelle Tao est indistinct et
ineffable, il contient pourtant les formes, il contient pourtant les
objets. » Il explicite cela en disant : « Le Tao sans nom est origine
du Ciel et de la Terre [c’est le niveau indicible], le Tao avec un nom
est la mère des choses [l’enfantement]. » 12 ll s’agit du niveau du
devenir et c’est à ce niveau-là et non à l’autre que se réfère le Yi
king qui est, bien sûr, un livre du devenir.
Les religions du livre : Leur mythe commun est la Genèse. Plus
clairement encore qu’ailleurs, cette structure à deux niveaux y est
décrite. Genèse I, c’est le monde en devenir, celui où l’homme et la
femme arrivent ensemble et après tous les animaux. Genèse II, c’est le
monde de la pensée créatrice de Dieu, et l’homme y arrive avant tous
les animaux. On dit dans l’exégèse moderne qu’il y avait deux récits
de la Création contradictoires, et qu’on les a gardés tous les deux
pour ne choquer personne. Vous comprendrez en fonction de ce qui
précède pourquoi cette interprétation semble quelque peu simpliste. Si
on les détaille on voit :
• dans le judaïsme, que l’arbre de la Kabbale est parfaitement
explicite : au sommet se trouve la « Couronne » et ses deux dérivés «
Sagesse » et « Intelligence » qui forment une triade supérieure, une
unicité absolue, transcendante, dont l’essence est inaccessible à
l’entendement humain. Les sept sephiroths suivants sont des forces
agissantes, des ouvriers si l’on peut dire, dont l’action se situe
dans le monde du devenir.
• dès les débuts de la chrétienté nous trouvons chez Grégoire de Nysse
et surtout chez Denys, dit « l’Aréopagite », à la fois la
transcendance et l’inaccessibilité de Dieu et l’existence des
hiérarchies divines opérantes.
• de même dans l’islam, mystiques et visionnaires nous décrivent
comment ce qui est ineffable interagit avec le monde du devenir par
l’intermédiaire de ce monde qu’Henri Corbin a nommé « mundus
imaginalis ». Cette unité de fond concernant cette vision d’un monde
de l’ineffable lié à un monde du devenir, dans les religions
monothéistes, peut être résumée par la phrase de Jacob Boehme : « La
Nature est une formation et une configuration continuelle des sciences
et de l’amour divin.
Ce que le Verbe fait par la Sagesse, la Nature le façonne en Qualité.
» Jacob Boehme chez lequel, comme Basarab Nicolescu l’a montré 13, les
sept qualités (assimilables aux sept sephiroths) et le deuxième et le
troisième principes sont dans le monde du devenir, de l’auto-
organisation. Mais le premier principe, lui, est situé à un autre
niveau. Comme le dit Boehme, « Dieu considéré en Lui-même est sans
distinction, sans nature, il est à la fois le Dieu et le Tout. »
Je terminerai ce trop bref parcours à travers tant de textes
fondamentaux par une citation d’Eckhartshausen qui affirme que «
l’unité des religions est dans le sanctuaire le plus intérieur et la
multiplicité des religions extérieures ne peut ni changer ni affaiblir
cette unité qui est la base de tout l’extérieur » 14, postulant ainsi
à la fois l’existence d’un niveau incorruptible par rapport à celui
corruptible où évoluent les « religions extérieures » et l’unité
transcendantale des religions sur la question essentielle, celle du
sens.
Ainsi donc il n’y a pas réellement opposition entre l’incomplétude et
l’auto-organisation.
De même que Einstein a avalé Newton vivant, l’incomplétude avale
l’auto-organisation : elle ne sont pas situées au même niveau. La
vision que nous retirons de ce voyage à travers toutes les grandes
traditions de l’humanité est la suivante :
1. Un sens préexistant mais insaisissable, vers lequel l’être humain
doit néanmoins tendre.
2. Un monde du devenir parfois non linéaire, parfois tâtonnant,
parfois contradictoire, parfois incompréhensible, mais qui reste
néanmoins mystérieusement relié à ce principe premier.
3. Et entre les deux, une rupture (la Chute de la tradition
chrétienne), mais que l’on retrouve sous d’autres formes dans bien
d’autres traditions. Ce n’est pas une preuve, mais une telle structure
apparaît trop cohérente pour être due uniquement à des contingences
socioculturelles.
Voilà donc comment nous pouvons effectuer la dernière partie de notre
« pas en plus » : en confrontant l’intuition majeure de l’humanité à
la structure induite par l’évolution de l’ensemble des grands domaines
scientifiques. Ce n’est pas une démonstration au sens scientifique du
terme, mais c’est quand même un pas en plus vers une nouvelle
philosophie de la Nature, un pas hors du monde de la philosophie de
l’absurde, un pas vers un monde où nous serions chez nous au lieu d’y
être des étrangers.
*****************************************************
Les trois époques de l’humanité
Auguste Comte se retournera peut-être dans sa tombe, mais on peut dire
ainsi que l’humanité a connu trois époques. La première fut dominée
par le fait religieux mais il y manquait la raison, le fanatisme
pouvait s’y développer et les gens s’étripaient pour un désaccord
portant sur une caractéristique mineure d’un Dieu pourtant en grande
partie inconnaissable.
La deuxième fut dominée par la raison qui alla reléguer la religion
parmi les superstitions préhistoriques ; il en découla le triomphe des
philosophies de l’absurde. La troisième, qui commence en cette fin du
xxe siècle, est celle où, comme le dit le prix Nobel de médecine Roger
Sperry : « Après avoir été en conflit direct au point de sembler
s’exclure mutuellement, les croyances religieuses et les croyances
scientifiques semblent maintenant promises à une nouvelle
compatibilité, peut-être même une harmonie. » 15 Espérons que cette
époque saura avoir le souffle que peut donner le sens et l’équilibre
que peut donner la raison.
Nous concluerons par une image et une citation. L’image, c’est «
Exposition d’estampes » 16, d’Escher, représentant un homme regardant
un tableau dans lequel se trouve la ville où se trouve le musée où se
trouve la galerie où se trouve le tableau... qu’il regarde. Cette
œuvre semble illustrer de façon frappante le tourbillon de l’auto-
organisation, la non-linéarité, l’immanence, l’auto-engendrement du
sens. Mais au centre se trouve... un trou. Peut-être penserez-vous que
cela est sans importance, que l’artiste aurait pu éviter son
existence. Ce n’est pas le cas. Si l’on regarde la grille qui a servi
de trame au dessin, on voit que sa structure dite « en bouteille de
Klein » comporte forcément une singularité au centre. Bien plus,
l’auteur a signé dans ce trou, indiquant ainsi qu’il constitue bien
l’essentiel de l’œuvre ! Allégorie du théorème de Gödel, montrant
l’incomplétude radicale de toute vision qui ne reposerait que sur
l’immanence et sur l’auto-organisation, semblant faire écho à Lao-
tseu : « Trente rayons convergent au moyeu mais c’est le vide médian
qui fait marcher le char » 12, et à la célèbre phrase de Saint-
Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, I’essentiel est invisible
pour les yeux. »
Il ne nous est pas possible d’aller plus loin dans notre quête de cet
un ineffable dont la présence ne se manifeste que par l’absence de
complétude de toute vision immanente du monde, sauf à recourir à la
théologie négative et donc à Denys l’Aréopagite :
« Nous disons donc que la Cause universelle, située au-delà de
l’univers entier, n’est ni matière ni corps ; qu’elle n’a ni figure,
ni forme, ni qualité, ni masse ; qu’elle n’est dans aucun lieu,
qu’elle échappe à toute saisie des sens... qu’on ne peut ni l’exprimer
ni la concevoir, qu’elle n’a ni nombre, ni ordre, ni grandeur, ni
petitesse, ni égalité, ni inégalité, ni similitude, ni dissimilitude ;
qu’elle ne demeure immobile ni ne se meut [...], qu’elle n’est ni
puissance ni lumière ; qu’elle ne vit ni n’est vie ; qu’elle n’est ni
essence, ni perpétuité, ni temps, qu’elle échappe à tout raisonnement,
à toute appellation, à tout savoir. » 17
« Et pourtant elle existe ! », pourrait dire un Galilée moderne. •
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Qu'en pensez-vous ?......Merci pour votre participation ...Salut.
NDH
Après s’être farouchement opposées, science et spiritualité ont
abouti, au XXe siècle, à une coexistence pacifique : le regard
scientifique n’interdit plus l’hypothèse d’une transcendance. Mieux :
désormais, dirait-on, toutes les sciences posent la question centrale
d’un Sens qui échappe à la raison pure.
La science a-t-elle quelque chose à dire sur le sens ? Il y a de la
hardiesse à poser une telle question parce que, pour les deux écoles
qui ont dominé la pensée scientifique du XXe siècle - le matérialime
et une spiritualité que j’appellerais « séparationiste » -, la réponse
est non. En effet, après la poussée scientiste du xixe siècle, un
modus vivendi s’est établi. Matérialistes et spiritualistes admettent
tous deux que la science n’est plus toute puissante, qu’elle ne
détient pas la Vérité avec un grand « v » comme l’a cru un Berthelot,
et donc qu’elle ne peut interdire la foi. Leurs positions
scientifiques ne diffèrent pas : la science n’a rien à dire sur le
sens, il s’agit de deux domaines séparés et la question du sens dépend
des convictions de chacun. Certes, cette possibilité donnée par
l’écroulement du scientisme est déjà en soi une grande nouvelle,
puisque, pour les scientifiques d’avant la Première Guerre mondiale
comme pour le grand public au cours du XXe siècle, la science avait pu
paraître s’opposer aux différentes traditions de l’humanité qui,
elles, postulaient l’existence d’un tel sens. Oui, voilà une grande
nouvelle : depuis les années vingt de ce siècle (mais il faut du temps
pour que tous soient avertis), la science admet la possibilité d’une
transcendance. Ainsi, le prix Nobel de physique Eddington a-t-il pu
dire en faisant référence à l’année d’élaboration de la synthèse de la
mécanique quantique : « Après 1927, il est devenu possible à un homme
intelligent de croire en Dieu. » Attention : il s’agit là d’une
possibilité, rien de plus. Et il ne semble guère possible d’aller plus
loin. En effet, une fois descendue du piédestal où l’avait placée le
scientisme, la science ne peut prétendre à des conclusions d’ordre
ontologique - notamment parce qu’on ne peut jamais dire qu’une théorie
scientifique est vraie, mais seulement, comme l’a montré Karl Popper,
qu’elle n’a pas encore été démentie par l’expérience.
Le « pas en plus »
Ce que nous allons essayer de faire ici, c’est de voir comment il
pourrait être possible de faire un pas en plus (oh ! juste un petit
pas supplémentaire) à partir de cette position si raisonnable qu’elle
semble indépassable.
Le premier point, essentiel, est d’ordre méthodologique. Quand on
parle des conséquences des nouvelles théories scientifiques, on ne
sépare pas assez souvent les faits parlant en faveur d’un autre niveau
de réalité de ceux concernant l’existence d’un sens à cet autre
niveau. Fourastié note que, pour les matérialistes, le réel existant
se confond avec le réel observable ou qui sera observé dans le futur.
L’existence d’un autre niveau de réalité qui ne serait ni observable
ni détectable ne saurait bien évidemment concerner la science.
L’éventuelle démonstration scientifique de l’existence d’un tel autre
niveau constituerait donc une première partie du pas que nous
cherchons à accomplir. Mais cela ne suffit pas, car rien ne garantit
l’existence d’un sens à cet autre niveau (il pourrait y régner le
chaos). De plus, il y a des « matérialistes intelligents », selon
l’expression du philosophe André Comte-Sponville, qui admettent
l’existence de cet autre niveau. Selon lui, être matérialiste, c’est
être étranger à l’univers, c’est avoir des projets, des sentiments
dans un univers qui n’a ni projets ni sentiments. Être croyant, c’est
au contraire être chez soi dans l’univers, c’est penser que, comme
nous, il a des projets et des sentiments. Voici donc la vraie
question : sommes-nous ou non étrangers à l’univers ?
Les pièces du dossier
La physique quantique : Certes une onde n’est pas plus spirituelle
qu’une particule, comme me le faisait remarquer M.-P. Schutzenberger,
mais cette « déchosification » de la matière, selon l’expression de
Bernard d’Espagnat, qu’amène la physique quantique, le fait que les
constituants fondamentaux des objets ne soient pas des objets, est une
situation moins « confortable » pour un matérialiste que celle qui l’a
précédée. On accède ici à un niveau de complexité du réel où déjà
certaines certitudes se dissolvent. On peut ensuite carrément parler
d’autres niveaux de réalité avec l’apport de la non-séparabilité,
cette influence mystérieuse qui relie deux particules en échappant à
l’espace et au temps. Il existe ainsi une « causalité globale » dans
l’univers qui, quelles que soient les explications envisagées,
nécessite l’existence de cet autre niveau.
L’astrophysique : Le big-bang n’est pas la preuve d’un commencement de
l’univers, puisqu’on ne peut remonter au-delà du temps de Planck
(10-43 seconde « après » un début supposé), mais elle rend cette
hypothèse au moins aussi probable que le contraire, comme le dit Trinh
Xuan Thuan : « La notion de création introduite dans la pensée
cosmologique par saint Thomas d’Aquin au xiiie siècle, puis écartée
avec dédain par Laplace et ses successeurs, trouvait ainsi un support
scientifique au moment où l’on s’y attendait le moins. » 1 Le principe
anthropique, lui, par contre (l’existence d’un réglage
particulièrement précis de l’univers sans lequel la vie n’aurait pu
apparaître), pose directement la question du sens ; c’est sur lui que
le physicien de Princeton Freeman Dyson s’appuie pour répondre à la
question fondamentale, celle de notre rapport à l’Univers : « Je ne me
sens pas étranger dans l’Univers, plus je l’examine et étudie en
détail son architecture, plus je découvre de preuves qu’il attendait
sans doute notre venue » 2, prenant ainsi l’exact contre-pied de Monod
qui affirmait : « L’homme sait enfin qu’il est seul dans l’immensité
indifférente de l’Univers d’où il a émergé par hasard. »3
La biologie : Dans la vision darwinienne et néodarwinienne la vie est
« un long fleuve tranquille », un continuum où la notion d’espèce
n’existe pas vraiment, la transformation d’une espèce en une autre
étant continue et insensible. Sous la contrainte de faits liés à
l’anatomie comparée comme à la paléontologie, les théories de
l’évolution actuelles ont dû réviser ce jugement : ainsi Stephen Jay
Gould nous dit-il que l’évolution ressemble plutôt à la vie d’un
policier : de longues périodes d’inactivité entrecoupées de quelques
minutes de terreur. Ainsi un paléontologue comme Roberto Fondi, un
biologiste moléculaire comme Michael Denton défendent-ils une telle
conception dans laquelle ce sont les types (homme, chien, papillon,
champignon...) qui existent et il ne saurait y avoir d’intermédiaires
entre eux. Mais comment le passage d’un type à l’autre pourrait-il
être le fruit du hasard ? Cette conception a été depuis fortement
renforcée par les travaux d’Anne Dambricourt-Malassé montrant
l’existence « d’embryogenèses fondamentales », véritables « plans
d’organisation » sur lesquels reposent les types.
Cela pose immédiatement le problème de l’existence d’archétypes
correspondant aux idées platoniciennes, sortes « d’attracteurs »
dirigeant les macromutations nécessaires pour passer d’un type à un
autre, et nous renvoie à cette notion d’autres niveaux de réalité. La
biologie pose aussi la question du sens. Le célèbre argument de
William Paley selon lequel en rencontrant une montre dans le désert on
postulerait l’existence d’un horloger et non sa fabrication à partir
de l’érosion due à l’eau et au vent, et que donc, face à un système
vivant, il faut postuler un créateur, a été réfuté par David Hume.
Selon lui, l’analogie entre systèmes vivants et machines n’est que
très imparfaite. Pour conclure qu’un objet est dû à un créateur
intelligent, il faut que l’analogie avec une machine soit très forte.
Mais Michael Denton a fait remarquer que pour une civilisation
primitive un objet comme une calculatrice ne saurait passer pour un
artefact, car il s’agit d’une technique trop avancée par rapport à
celle concevable pour une telle civilisation. Ainsi, selon lui, les
progrès de la biochimie et de la biologie moléculaire infirment la
critique de Hume : « Dans toutes les directions où se pose son regard,
le biochimiste qui chemine à travers le fantastique labyrinthe
moléculaire aperçoit des dispositifs et des applications qui lui
rappellent la technologie la plus avancée de ce siècle. Nous avons
observé un monde aussi artificiel que le nôtre, aussi familier que si
nous avions tendu un miroir devant nos propres machines. » Il n’hésite
pas à conclure par l’une des phrases les plus audacieuses écrites par
un biologiste contemporain : « L’hypothèse de la création intelligente
de la Vie est un concept métaphysique a priori qui doit donc être
rejeté comme dépourvu de toute valeur scientifique. Au contraire,
l’inférence de la création est une induction a posteriori qui procède
inéluctablement de la logique de l’analogie entre système vivant et
technologie avancée. Même si la conclusion peut avoir des implications
religieuses elle ne dépend pas de présupposés religieux. » 4
La neurologie : On localise de mieux en mieux les aires visuelles,
auditives, les aires du langage, mais comme l’ont montré Libet et
Lambert, quelque chose échappe à toute représentation en termes de
neurones, et ce quelque chose c’est l’essentiel, c’est l’unité de
l’esprit humain, notre « soi conscient », dirait Eccles 5.
Les mathématiques : Einstein disait : « Le plus incompréhensible,
c’est que le monde soit compréhensible », indiquant par là que le seul
fait qu’une mathématique soit possible et fonctionne indique
l’existence d’un certain lien entre la structure du monde et l’esprit
humain.
Des débats récents comme celui de Connes et Changeux 6 ont remis à
l’ordre du jour la question du « platonisme » en mathématiques. Il
apparaît clairement que les concepts mathématiques existent en dehors
de l’espace, du temps et du cerveau humain.
Résumons-nous : nous voyon poindre dans toutes les grandes disciplines
scientifiques « des choses cachées derrière les choses », selon
l’expression de Jacques Prévert. Derrière la non-séparabilité en
physique quantique, derrière le big-bang, derrière les archétypes de
l’évolution, derrière le cerveau humain et les mathématiques se
profile « le réel voilé », selon l’expression de Bernard d’Espagnat,
ou « l’ordre impliqué » de David Bohm. Ainsi semble accomplie la
première partie du « pas en plus ». Le principe anthropique et le
caractère de technologie avancée du phénomène vivant ne sauraient à
eux seuls prouver l’existence d’une finalité ; ils nous fournissent
néanmoins des « symptômes de sens », comme le dirait J.-F. Lambert.
Nous devons faire maintenant face à une objection fondamentale : au
nom de quoi allons-nous dire que tout cela ne va pas disparaître avec
les progrès de la science, et que ceux-ci ne vont pas faire voler en
éclats la notion d’autres niveaux de réalité ? Au nom d’une tendance,
d’un postulat et d’un théorème.
La tendance, c’est justement celle qui se manifeste dans tous les
domaines scientifiques en même temps (avec quelques décennies de
décalage). L’une des expressions clés de la vision nouvelle, c’est le
holisme, l’idée que le tout est plus que la somme des parties. Cela
s’applique ici : s’il n’y avait que la mécanique quantique ou que
l’astrophysique à aller dans ce sens la démonstration n’aurait pas la
même valeur. Mais auparavant, aussi, toutes les sciences allaient dans
le même sens, et c’était celui du réductionnisme et du matérialisme.
Alors ? C’est là qu’intervient le postulat. Il consiste à affirmer que
la science ne connaîtra plus jamais d’état d’indéterminisme comparable
à celui existant avant notre civilisation (« le ciel qui peut nous
tomber sur la tête » !), ni d’état de déterminisme absolu que nous
avons connu au début du siècle.
Si l’on faisait un graphique pour montrer l’évolution des conceptions
scientifiques entre les notions de déterminisme et d’indéterminisme,
on verrait la courbe se stabiliser au milieu de la figure, ce qui
correspondrait à une vision du monde que j’appellerais « semi-
déterminée ». En fonction d’un tel postulat, même s’il est conçu d’une
manière très différente, cet « autre niveau de réalité » existera
toujours, une fois dépassée l’étape de la méconnaissance scientifique
et celle de l’illusion de l’omniscience. Certains protesteront en
s’exclamant comme Jean-Pierre Changeux qu’on ne saurait assigner des
limites à la science. C’est là qu’intervient le théorème. Le théorème
de Gödel, l’un des postulats les plus importants de ce siècle, affirme
justement que « tout système fini d’axiomes contient au moins une
proposition indécidable. » On peut dire qu’il s’agit ainsi de la
démonstration que l’on ne pourra jamais tout démontrer.
Auto-organisation et incomplétude
Nous voici donc avec nos symptômes de sens. Mais il faut tout de suite
noter que le sens recherché peut être de deux natures différentes.
Soit il s’agit d’un sens qui ne préexiste pas au monde mais se
construit avec lui (le sens émerge du rapport de l’homme avec le
monde) ; c’est alors l’idée d’auto-organisation. Soit il s’agit d’un
sens situé au minimum « aux marges du monde », selon l’expression de
Wittgenstein, voire provenant du « tout autre » de la théologie judéo-
chrétienne. J’ai nommé cette école celle « de l’incomplétude »,
puisqu’elle postule l’incomplétude irrémédiable du monde
appréhendable. Je ne le ferai pas ici, car ce serait réducteur de
coller ainsi des étiquettes sur des hommes, mais il semble que la
grande majorité des scientifiques participant à ce que l’on nomme « le
nouveau paradigme » peuvent se répartir de façon à peu près équitable
dans l’une ou l’autre de ces écoles.
Ainsi, il semble, que la « cohabitation-confrontation » qui a existé
au XXe siècle entre matérialistes et séparationnistes croyants
(j’appelle ainsi les religieux qui pensent que la science n’a rien à
dire sur le sens) sera remplacée au XXIe siècle par une autre, entre
tenants de l’auto-organisation et tenants de l’incomplétude.
Le nécessaire réenchantement
Quelle que soit l’importance des différences existant entre ces deux
tendances, il faut noter ici qu’elles sont pour l’instant « compagnons
de route » sur la voie d’un réenchantement de l’homme et du monde. En
effet, notre société est la première où il a été possible de concevoir
de façon majoritaire le monde comme absurde. Une grande partie du
désarroi contemporain, la montée des suicides, de la consommation de
médicaments, peuvent être attribués à ce sentiment que notre existence
serait dépourvue de sens.
Basarab Nicolescu et Jean-François Lambert sont à ma connaissance deux
des auteurs qui ont le mieux perçu les ravages qu’a générés à long
terme l’abandon de toute quête du sens. « Nous étions en danger de
mort, sous l’influence de maîtres à penser prônant un seul niveau de
Réalité, horizontal, où tout tourne en rond et engendre fatalement le
chaos, l’anarchie, l’auto-destruction » 7, dit Nicolescu.
Lambert lui fait écho : « Si l’homme n’est qu’un ensemble de
molécules, et si l’univers est dépourvu de signification, alors, comme
le dit R. de Gopegui, on n’est pas bon ou méchant, intelligent ou sot,
etc., mais bien ou mal programmé. Il s’ensuit que nous n’avons aucune
responsabilité vis-à-vis de nous-mêmes ni vis-à-vis d’autrui.
L’éthique est inutile. S’il n’y a pas de sujet, il n’y a pas
d’humanisme, et s’il n’y a pas de sens, il n’y a pas de sujet...
L’humanisme scientiste ne peut proposer qu’une éthique “réduite aux
acquêts”, livrée aux caprices des plus malins ou des plus cyniques. »
8 Or, dans notre société, c’est la science et non plus la religion ou
la philosophie qui, comme auparavant, détermine notre vision de
l’homme et du monde, vision qui a des répercussions essentielles sur
notre société. Et depuis trois siècles la science nous donne une
vision déterministe et mécaniste de l’homme. C’est pourquoi, comme le
dit Nicolescu, « la rencontre contemporaine entre la science et le
sens est un événement capital qui va probablement engendrer la seule
vraie révolution de ce siècle. »
C’est pourquoi ces deux voies, incomplétude et auto-organisation, en
redécouvrant la possibilité de l’existence d’un sens dans l’univers,
jouent un rôle qui va bien au-delà d’un simple questionnement
philosophique, mais sont susceptibles d’agir sur nos rapports avec la
nature, avec les autres, avec nous-mêmes. Le fait que la science ait «
découvert par ses propres moyens l’existence de niveaux de réalité »,
comme le dit Nicolescu, rend ainsi « la quête de l’Être non a priori
absurde », comme l’affirme d’Espagnat. 9
L’intuition (ou révélation) fondamentale
Scientifiquement, il n’est pas possible d’aller plus loin. Mais si
nous voulons aller au bout de notre « pas en plus », de ce pas en
avant que nous essayons d’accomplir depuis la position «
séparationniste » sage et sans danger, il nous faut maintenant nous
plonger dans l’étude des grandes traditions de l’humanité.
Nous sommes là face au choix suivant : soit les différentes religions
ont été inventées par l’homme pour répondre à son angoisse devant la
mort, à son étrangeté dans cet univers où il a surgi par hasard ; soit
par une voie quelconque, intuition ou révélation, les religions
contiennent une information véritable sur la structure du monde. Nous
ne pouvons plus écarter dédaigneusement cette possibilité, car notre
parcours à travers la science nous a montré, comme le dit d’Espagnat,
qu’« on ne peut plus exclure que d’autres formes de connaissance nous
apportent également des lueurs sur le réel. »
Pour départager ces deux hypothèses, la question clé est celle de la
cohérence. Si derrière les formes et les images propres à chaque
civilisation apparaît une cohérence intérieure plus forte que ce que
l’on peut normalement attendre, alors la deuxième hypothèse deviendra
crédible. Je n’ai ni la compétence ni la place pour faire ici une
analyse comparée des religions, je désire simplement, en survolant
rapidement les grandes traditions de l’humanité, montrer qu’en tous
temps et en tous lieux on y retrouve une intuition fondamentale, celle
d’un univers à deux niveaux de réalité, où le premier, hors du temps,
de l’espace, de la matière, celui de l’incomplétude, engendre lors
d’une rupture un deuxième niveau, celui du devenir et de l’évolution,
où se déroulent des processus d’auto-organisation.
L’hindouisme : Malgré les apparences, la doctrine védique n’est ni
polythéiste ni panthéiste, les diverses puissances ne sont que les
noms des énergies divines. Au-delà, il y a le sens suprême sans
définition aucune, le principe situé hors du temps, notion que nous
allons retrouver dans les autres traditions. Puis il y a rupture,
division (division dont on peut dire qu’elle est l’équivalent de la
chute des religions du Livre), pour qu’au-delà de l’un apparaissent
multiplicité et devenir.
Le bouddhisme : Certains auteurs modernes ont affirmé que le
bouddhisme était un matérialisme : le bouddhisme dans sa pureté
primitive ignorerait l’existence de Dieu, nierait l’existence de
l’âme, serait surtout un code moral. « Malheureusement, ces trois
propositions sont fausses, nous dit Ananda Coomaraswamy ; la haute
éthique du bouddhisme n’est qu’un stade préliminaire. Les textes les
plus anciens montrent que l’essentiel se trouve dans la vie
contemplative, les spéculations matérialistes sont bien postérieures.
» 10
Le Bouddha dit de la façon la plus claire : « Il y a un non-né, non-
devenu, non-créé, non-composé, et s’il n’existait pas il ne pourrait y
avoir aucun chemin d’évasion hors de la naissance, du devenir, de la
création et de la composition » 11, affirmant ainsi l’existence de ces
deux niveaux de réalité, celui du devenir et celui situé hors du temps
et de l’espace, et le fait que le but de la vie est bien de rejoindre
ce dernier.
Le taoïsme : Pour le taoïsme aussi il existe parfois une ambiguïté. En
se basant sur le Yi king, le livre des transformations, on a pu
concevoir la pensée chinoise comme matérialiste.
Or Lao-tseu nous dit : « Ce qu’on appelle Tao est indistinct et
ineffable, il contient pourtant les formes, il contient pourtant les
objets. » Il explicite cela en disant : « Le Tao sans nom est origine
du Ciel et de la Terre [c’est le niveau indicible], le Tao avec un nom
est la mère des choses [l’enfantement]. » 12 ll s’agit du niveau du
devenir et c’est à ce niveau-là et non à l’autre que se réfère le Yi
king qui est, bien sûr, un livre du devenir.
Les religions du livre : Leur mythe commun est la Genèse. Plus
clairement encore qu’ailleurs, cette structure à deux niveaux y est
décrite. Genèse I, c’est le monde en devenir, celui où l’homme et la
femme arrivent ensemble et après tous les animaux. Genèse II, c’est le
monde de la pensée créatrice de Dieu, et l’homme y arrive avant tous
les animaux. On dit dans l’exégèse moderne qu’il y avait deux récits
de la Création contradictoires, et qu’on les a gardés tous les deux
pour ne choquer personne. Vous comprendrez en fonction de ce qui
précède pourquoi cette interprétation semble quelque peu simpliste. Si
on les détaille on voit :
• dans le judaïsme, que l’arbre de la Kabbale est parfaitement
explicite : au sommet se trouve la « Couronne » et ses deux dérivés «
Sagesse » et « Intelligence » qui forment une triade supérieure, une
unicité absolue, transcendante, dont l’essence est inaccessible à
l’entendement humain. Les sept sephiroths suivants sont des forces
agissantes, des ouvriers si l’on peut dire, dont l’action se situe
dans le monde du devenir.
• dès les débuts de la chrétienté nous trouvons chez Grégoire de Nysse
et surtout chez Denys, dit « l’Aréopagite », à la fois la
transcendance et l’inaccessibilité de Dieu et l’existence des
hiérarchies divines opérantes.
• de même dans l’islam, mystiques et visionnaires nous décrivent
comment ce qui est ineffable interagit avec le monde du devenir par
l’intermédiaire de ce monde qu’Henri Corbin a nommé « mundus
imaginalis ». Cette unité de fond concernant cette vision d’un monde
de l’ineffable lié à un monde du devenir, dans les religions
monothéistes, peut être résumée par la phrase de Jacob Boehme : « La
Nature est une formation et une configuration continuelle des sciences
et de l’amour divin.
Ce que le Verbe fait par la Sagesse, la Nature le façonne en Qualité.
» Jacob Boehme chez lequel, comme Basarab Nicolescu l’a montré 13, les
sept qualités (assimilables aux sept sephiroths) et le deuxième et le
troisième principes sont dans le monde du devenir, de l’auto-
organisation. Mais le premier principe, lui, est situé à un autre
niveau. Comme le dit Boehme, « Dieu considéré en Lui-même est sans
distinction, sans nature, il est à la fois le Dieu et le Tout. »
Je terminerai ce trop bref parcours à travers tant de textes
fondamentaux par une citation d’Eckhartshausen qui affirme que «
l’unité des religions est dans le sanctuaire le plus intérieur et la
multiplicité des religions extérieures ne peut ni changer ni affaiblir
cette unité qui est la base de tout l’extérieur » 14, postulant ainsi
à la fois l’existence d’un niveau incorruptible par rapport à celui
corruptible où évoluent les « religions extérieures » et l’unité
transcendantale des religions sur la question essentielle, celle du
sens.
Ainsi donc il n’y a pas réellement opposition entre l’incomplétude et
l’auto-organisation.
De même que Einstein a avalé Newton vivant, l’incomplétude avale
l’auto-organisation : elle ne sont pas situées au même niveau. La
vision que nous retirons de ce voyage à travers toutes les grandes
traditions de l’humanité est la suivante :
1. Un sens préexistant mais insaisissable, vers lequel l’être humain
doit néanmoins tendre.
2. Un monde du devenir parfois non linéaire, parfois tâtonnant,
parfois contradictoire, parfois incompréhensible, mais qui reste
néanmoins mystérieusement relié à ce principe premier.
3. Et entre les deux, une rupture (la Chute de la tradition
chrétienne), mais que l’on retrouve sous d’autres formes dans bien
d’autres traditions. Ce n’est pas une preuve, mais une telle structure
apparaît trop cohérente pour être due uniquement à des contingences
socioculturelles.
Voilà donc comment nous pouvons effectuer la dernière partie de notre
« pas en plus » : en confrontant l’intuition majeure de l’humanité à
la structure induite par l’évolution de l’ensemble des grands domaines
scientifiques. Ce n’est pas une démonstration au sens scientifique du
terme, mais c’est quand même un pas en plus vers une nouvelle
philosophie de la Nature, un pas hors du monde de la philosophie de
l’absurde, un pas vers un monde où nous serions chez nous au lieu d’y
être des étrangers.
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Les trois époques de l’humanité
Auguste Comte se retournera peut-être dans sa tombe, mais on peut dire
ainsi que l’humanité a connu trois époques. La première fut dominée
par le fait religieux mais il y manquait la raison, le fanatisme
pouvait s’y développer et les gens s’étripaient pour un désaccord
portant sur une caractéristique mineure d’un Dieu pourtant en grande
partie inconnaissable.
La deuxième fut dominée par la raison qui alla reléguer la religion
parmi les superstitions préhistoriques ; il en découla le triomphe des
philosophies de l’absurde. La troisième, qui commence en cette fin du
xxe siècle, est celle où, comme le dit le prix Nobel de médecine Roger
Sperry : « Après avoir été en conflit direct au point de sembler
s’exclure mutuellement, les croyances religieuses et les croyances
scientifiques semblent maintenant promises à une nouvelle
compatibilité, peut-être même une harmonie. » 15 Espérons que cette
époque saura avoir le souffle que peut donner le sens et l’équilibre
que peut donner la raison.
Nous concluerons par une image et une citation. L’image, c’est «
Exposition d’estampes » 16, d’Escher, représentant un homme regardant
un tableau dans lequel se trouve la ville où se trouve le musée où se
trouve la galerie où se trouve le tableau... qu’il regarde. Cette
œuvre semble illustrer de façon frappante le tourbillon de l’auto-
organisation, la non-linéarité, l’immanence, l’auto-engendrement du
sens. Mais au centre se trouve... un trou. Peut-être penserez-vous que
cela est sans importance, que l’artiste aurait pu éviter son
existence. Ce n’est pas le cas. Si l’on regarde la grille qui a servi
de trame au dessin, on voit que sa structure dite « en bouteille de
Klein » comporte forcément une singularité au centre. Bien plus,
l’auteur a signé dans ce trou, indiquant ainsi qu’il constitue bien
l’essentiel de l’œuvre ! Allégorie du théorème de Gödel, montrant
l’incomplétude radicale de toute vision qui ne reposerait que sur
l’immanence et sur l’auto-organisation, semblant faire écho à Lao-
tseu : « Trente rayons convergent au moyeu mais c’est le vide médian
qui fait marcher le char » 12, et à la célèbre phrase de Saint-
Exupéry : « On ne voit bien qu’avec le cœur, I’essentiel est invisible
pour les yeux. »
Il ne nous est pas possible d’aller plus loin dans notre quête de cet
un ineffable dont la présence ne se manifeste que par l’absence de
complétude de toute vision immanente du monde, sauf à recourir à la
théologie négative et donc à Denys l’Aréopagite :
« Nous disons donc que la Cause universelle, située au-delà de
l’univers entier, n’est ni matière ni corps ; qu’elle n’a ni figure,
ni forme, ni qualité, ni masse ; qu’elle n’est dans aucun lieu,
qu’elle échappe à toute saisie des sens... qu’on ne peut ni l’exprimer
ni la concevoir, qu’elle n’a ni nombre, ni ordre, ni grandeur, ni
petitesse, ni égalité, ni inégalité, ni similitude, ni dissimilitude ;
qu’elle ne demeure immobile ni ne se meut [...], qu’elle n’est ni
puissance ni lumière ; qu’elle ne vit ni n’est vie ; qu’elle n’est ni
essence, ni perpétuité, ni temps, qu’elle échappe à tout raisonnement,
à toute appellation, à tout savoir. » 17
« Et pourtant elle existe ! », pourrait dire un Galilée moderne. •
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Qu'en pensez-vous ?......Merci pour votre participation ...Salut.
NDH