Topinambour
2017-01-15 17:05:49 UTC
Un million par heure pour Bernard Arnault
Olivier Morin
Mardi, 30 Juin, 2015
En un an, la fortune du PDG d’LVMH a grossi de 9,27 milliards d’euros.
Grâce à quels coups tordus ce prédateur a-t-il pu monter cet empire ?
Il est l’homme qui a gagné 1 million d’euros chaque heure de l’année
2014. Été comme hiver, jour et nuit. Et ça continue. En publiant ce
calcul journalier, le site d’actualités économiques Capital évoque
comment, grâce à la « magie de la Bourse », l’action LVMH (Louis Vuitton
Moët-Hennessy) a augmenté de 34 % en 2014, pour le plus grand bonheur de
son principal actionnaire, Bernard Arnault.
Ce grand patron de l’industrie du luxe a du flair. En tout cas, c’est ce
qui se dit dans les salons cossus de ses pairs et dans les milieux
financiers qu’une telle santé économique épate. Mais le flair ne fait
pas tout. Et pour que celui qui possède la troisième plus grosse fortune
de France puisse la faire grossir sur le dos de ses salariés, il a fallu
que son père en exploite avant lui. C’est ainsi qu’en 1976, en
transformant la petite industrie de travaux publics de son père en
société de promotion de résidence de loisirs, il a amplifié la vague qui
devait le porter vers l’industrie du luxe, paradis pour les
actionnaires, enfer pour les salariés. Fuyant l’arrivée de la gauche au
pouvoir en France et de ministres communistes au gouvernement, il se
réfugie dans une Amérique reaganienne où, malgré de menus déboires, il
décidera de lancer ce qui s’appellera plus tard une OPA sur le groupe
Boussac.
En 1989, il devient président du conseil d’administration de LVMH
Grâce aux prêts du Crédit lyonnais et à de substantielles subventions
publiques, Bernard Arnault met la main sur Boussac et ses marques
(Conforama, La Belle Jardinière, Dior, etc.), devançant ses concurrents
de l’époque : Léon Cligman (Lacoste, NewMan), Christian Deverloy
(Prouvost), Julien Charlier et Bernard Tapie. Jurant qu’il garderait les
30 000 emplois du groupe, il obtient de l’État la somme de 750 millions
de francs pour « reconstituer ses fonds propres ». Trompant allègrement
la confiance de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius, qui avaient oublié
qu’Arnault avait déjà réduit les effectifs de l’entreprise paternelle de
1 000 salariés à 20, il s’empresse de revendre le groupe à la découpe,
ne gardant que les pépites. Dont Dior. En 1989, Bernard Arnault devient
président du conseil d’administration de LVMH, dont il a pris le
contrôle par le biais d’une « OPA amicale », comme il dit. En réalité,
il raflera 28 % des actions en bourse grâce à quatre sociétés écrans,
tout en attisant les rivalités entre les deux familles propriétaires.
Après cette OPA sans précédent, la Commission des opérations de bourse
(qui deviendra en 2003 l’Autorité des marchés financiers) imposera à
tout acheteur de 33 % des actions d’une société cotée de lancer une OPA
sur un minimum de 66 % du capital. « Pour préserver les intérêts des
actionnaires minoritaires », se justifie la Commission.
Désormais à la tête de marques telles que Louis Vuitton, Moët & Chandon,
Givenchy, Guerlain, Kenzo, celui qui a complété sa collection par
l’acquisition de l’horloger Bulgari en 2011 se targue de posséder une
fortune de 28,96 milliards d’euros. Soit deux fois le déficit de la
Sécurité sociale.
Une fortune qui ne cesse d’enfler et qui a même bondi de 3 milliards de
dollars en 2008, lors de la crise des subprimes qui avait taclé un court
instant les milieux financiers. Ce n’est pas le cas des salariés qui
fabriquent les produits de luxe et grâce au travail desquels Arnault
réalise une plus-value démultipliée. À l’image de ces 300 ouvrières de
la Commerciale de maroquinerie (CDM) qui fabriquent des sacs à main pour
Louis Vuitton en sous-traitance et dont les salaires n’excèdent pas
1 400 euros. L’entreprise, qui appartient à la famille Gaillard, réalise
déjà de copieux bénéfices, au dire du syndicaliste CGT Pierre Bertoux,
avant même que les sacs à main ne soient vendus dans les enseignes Louis
Vuitton appartenant à Arnault. Une situation dont les salariées ont pris
conscience collectivement en créant un syndicat CGT, il y a un an, et
qui ont entamé une grève pour la première fois le 25 juin, à la suite
des annonces d’évolution des salaires : 0,8 % d’augmentation au lieu des
10 % revendiqués par les ouvrières. Car, bien avant que Bernard Arnault
ne s’autoverse des dividendes somptuaires, ne s’octroie des
stock-options royales ou n’élude les droits de succession de ses
enfants, il lui faut extorquer un maximum de plus-value sur le travail,
à la base de toute production de richesse. Une fois cet argent engrangé,
le PDG de LVMH le fait prospérer. Quitte à se retrouver sous les feux
des médias comme lorsque les 11 sociétés belges de son groupe ayant vu
leur actif augmenter de 14, 4 milliards d’euros entre 2008 et 2010 lui
ont donné l’idée de devenir sujet du roi des Belges. Une révélation
qu’avait faite, en 2012, le Parti du travail de Belgique (PTB).
Aujourd’hui, il cumule la profitabilité de ses sociétés avec une
optimisation fiscale de choc qui consiste à préparer sa succession
astucieusement. Car, pour une fortune d’une trentaine de milliards
d’euros, les droits de succession s’élèveraient à quelque 13 milliards
d’euros. N’imaginant pas un seul instant que ses enfants devront céder
des actifs du groupe pour régler la facture, il a manœuvré afin de
bénéficier de multiples décotes permises par la loi. Ce qui réduit les
droits de succession à seulement 6,5 % de la valeur du groupe, au lieu
de 45 %. Un paysan qui veut transmettre sa ferme et ses terres à ses
successeurs pour qu’ils y travaillent n’aura pas un taux aussi réduit.
Olivier Morin
Mardi, 30 Juin, 2015
En un an, la fortune du PDG d’LVMH a grossi de 9,27 milliards d’euros.
Grâce à quels coups tordus ce prédateur a-t-il pu monter cet empire ?
Il est l’homme qui a gagné 1 million d’euros chaque heure de l’année
2014. Été comme hiver, jour et nuit. Et ça continue. En publiant ce
calcul journalier, le site d’actualités économiques Capital évoque
comment, grâce à la « magie de la Bourse », l’action LVMH (Louis Vuitton
Moët-Hennessy) a augmenté de 34 % en 2014, pour le plus grand bonheur de
son principal actionnaire, Bernard Arnault.
Ce grand patron de l’industrie du luxe a du flair. En tout cas, c’est ce
qui se dit dans les salons cossus de ses pairs et dans les milieux
financiers qu’une telle santé économique épate. Mais le flair ne fait
pas tout. Et pour que celui qui possède la troisième plus grosse fortune
de France puisse la faire grossir sur le dos de ses salariés, il a fallu
que son père en exploite avant lui. C’est ainsi qu’en 1976, en
transformant la petite industrie de travaux publics de son père en
société de promotion de résidence de loisirs, il a amplifié la vague qui
devait le porter vers l’industrie du luxe, paradis pour les
actionnaires, enfer pour les salariés. Fuyant l’arrivée de la gauche au
pouvoir en France et de ministres communistes au gouvernement, il se
réfugie dans une Amérique reaganienne où, malgré de menus déboires, il
décidera de lancer ce qui s’appellera plus tard une OPA sur le groupe
Boussac.
En 1989, il devient président du conseil d’administration de LVMH
Grâce aux prêts du Crédit lyonnais et à de substantielles subventions
publiques, Bernard Arnault met la main sur Boussac et ses marques
(Conforama, La Belle Jardinière, Dior, etc.), devançant ses concurrents
de l’époque : Léon Cligman (Lacoste, NewMan), Christian Deverloy
(Prouvost), Julien Charlier et Bernard Tapie. Jurant qu’il garderait les
30 000 emplois du groupe, il obtient de l’État la somme de 750 millions
de francs pour « reconstituer ses fonds propres ». Trompant allègrement
la confiance de Pierre Mauroy et de Laurent Fabius, qui avaient oublié
qu’Arnault avait déjà réduit les effectifs de l’entreprise paternelle de
1 000 salariés à 20, il s’empresse de revendre le groupe à la découpe,
ne gardant que les pépites. Dont Dior. En 1989, Bernard Arnault devient
président du conseil d’administration de LVMH, dont il a pris le
contrôle par le biais d’une « OPA amicale », comme il dit. En réalité,
il raflera 28 % des actions en bourse grâce à quatre sociétés écrans,
tout en attisant les rivalités entre les deux familles propriétaires.
Après cette OPA sans précédent, la Commission des opérations de bourse
(qui deviendra en 2003 l’Autorité des marchés financiers) imposera à
tout acheteur de 33 % des actions d’une société cotée de lancer une OPA
sur un minimum de 66 % du capital. « Pour préserver les intérêts des
actionnaires minoritaires », se justifie la Commission.
Désormais à la tête de marques telles que Louis Vuitton, Moët & Chandon,
Givenchy, Guerlain, Kenzo, celui qui a complété sa collection par
l’acquisition de l’horloger Bulgari en 2011 se targue de posséder une
fortune de 28,96 milliards d’euros. Soit deux fois le déficit de la
Sécurité sociale.
Une fortune qui ne cesse d’enfler et qui a même bondi de 3 milliards de
dollars en 2008, lors de la crise des subprimes qui avait taclé un court
instant les milieux financiers. Ce n’est pas le cas des salariés qui
fabriquent les produits de luxe et grâce au travail desquels Arnault
réalise une plus-value démultipliée. À l’image de ces 300 ouvrières de
la Commerciale de maroquinerie (CDM) qui fabriquent des sacs à main pour
Louis Vuitton en sous-traitance et dont les salaires n’excèdent pas
1 400 euros. L’entreprise, qui appartient à la famille Gaillard, réalise
déjà de copieux bénéfices, au dire du syndicaliste CGT Pierre Bertoux,
avant même que les sacs à main ne soient vendus dans les enseignes Louis
Vuitton appartenant à Arnault. Une situation dont les salariées ont pris
conscience collectivement en créant un syndicat CGT, il y a un an, et
qui ont entamé une grève pour la première fois le 25 juin, à la suite
des annonces d’évolution des salaires : 0,8 % d’augmentation au lieu des
10 % revendiqués par les ouvrières. Car, bien avant que Bernard Arnault
ne s’autoverse des dividendes somptuaires, ne s’octroie des
stock-options royales ou n’élude les droits de succession de ses
enfants, il lui faut extorquer un maximum de plus-value sur le travail,
à la base de toute production de richesse. Une fois cet argent engrangé,
le PDG de LVMH le fait prospérer. Quitte à se retrouver sous les feux
des médias comme lorsque les 11 sociétés belges de son groupe ayant vu
leur actif augmenter de 14, 4 milliards d’euros entre 2008 et 2010 lui
ont donné l’idée de devenir sujet du roi des Belges. Une révélation
qu’avait faite, en 2012, le Parti du travail de Belgique (PTB).
Aujourd’hui, il cumule la profitabilité de ses sociétés avec une
optimisation fiscale de choc qui consiste à préparer sa succession
astucieusement. Car, pour une fortune d’une trentaine de milliards
d’euros, les droits de succession s’élèveraient à quelque 13 milliards
d’euros. N’imaginant pas un seul instant que ses enfants devront céder
des actifs du groupe pour régler la facture, il a manœuvré afin de
bénéficier de multiples décotes permises par la loi. Ce qui réduit les
droits de succession à seulement 6,5 % de la valeur du groupe, au lieu
de 45 %. Un paysan qui veut transmettre sa ferme et ses terres à ses
successeurs pour qu’ils y travaillent n’aura pas un taux aussi réduit.