Ici la strategie des Cassandres en matière d'environnement s'explique, les
petites voix, experts en rentabilité qui expliquent chez nous que ce n'est
pas rentable, que ce n'est pas techniquement au point, que les habitants ne
marcheront pas n'ont pas imposé l'inaction........
alors qu'ailleurs, c'est perenne depuis 10 ans.....
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Changements climatiques, crises pétrolières Comment éviter le chaos ?
L'exemple de Fribourg
Depuis des années, le mouvement écologiste n'a cessé de dénoncer la
dégradation de l'environnement due à nos modes de productions et de
consommation.
Le recours généralisé à l'économie de marché a accentué cette détérioration.
Aujourd'hui l'addition est salée : pollutions de l'eau et de l'air,
accumulation des déchets nucléaires, dérèglement climatique, disparition de
la biodiversité. Tous les indices sont au rouge.
Pourtant nul soulèvement de masse ne vient arrêter ce scénario. Pendant
quelques mois, les médias et les institutions focalisent sur un élément et
... oublient. Une pluie torrentielle est chassée par une tempête de neige
imprévue, une inondation persistante par une canicule récidivante.
En restant seulement dans l'alerte, dans la peur, on transforme les citoyens
en simples spectateurs des catastrophes provoquées par leur propre mode de
vie.
S'appuyant sur le poids des habitudes, la force de notre système
politico-économique, forgé par plusieurs siècles de construction, nourri par
tous les lobbys industriels, agricoles ou politiques, est de nous persuader
qu'il n'y a pas de vraies alternatives démocratiques.
Toutes les solutions alternatives sont renvoyées à des utopies inaccessibles
ou dangereuses. La force du système, ce sont les milliers de petites voix
médiatiques qui nous présentent des choix politiques manichéens :
libéralisme économique ou communisme totalitaire, nucléaire ou bougie,
croissance ou chômage. C'est à ces représentations sociales perverses qu'il
faut s'attaquer.
Pour cela, il nous faut des leviers, des nouveaux outils, de nouvelles
méthodes de pensée pour porter un « autre regard sur le monde ». Dans ce
combat pour inverser la position de légitimité du système, il est important
de pouvoir s'appuyer pragmatiquement sur des exemples montrant que d'autres
solutions, d'autres pratiques sont possibles.
Fort heureusement nous ne sommes pas seuls au monde.
Fribourg : un exemple d'écologie urbaine
A une quarantaine de kilomètre de Colmar, de l'autre côté de la frontière,
entre Forêt-noire et vallée du Rhin, Fribourg ville de 210 000 habitants a
la réputation d'être la capitale écologique de la république fédérale : L'écologie
urbaine s'applique à tous les domaines : habitat, énergie, transport, eau,
traitement des déchets. A l'heure où Auxerre préparait le lancement de son
Agenda 21, sur la proposition du groupe des élus verts, nous nous y sommes
rendus avec une forte délégation auxerroise (élus et services de la ville).
Chronique d'une visite guidée
Nous allons passer deux jours denses à Fribourg, pilotés par Hans-Georges
Herr
17h-18h30 : Une usine de méthanisation installée dans la ville.
Comme tous les Allemands, les habitants de Fribourg trient leurs déchets
ménagers. Nous avons choisi d'observer le recyclage des « déchets
organiques » (les restes de repas et les déchets verts) et la valorisation
de leur potentiel énergétique (qui semblent si explosif à mettre en place
dans le Centre Yonne).
A Fribourg ces déchets sont collectés séparativement et conduits dans une
usine de méthanisation qui traite 36 000 tonnes par an de déchets de cuisine
et de jardin triés à la source. La société qui gère cette usine a passé
également des contrats avec les restaurants et les cantines. Première
surprise pour nous : aucune odeur sur le site, une exigence puisque nous
sommes en ville, à côté d'un restaurant de restauration rapide. Les camions
rentrent à l'intérieur du bâtiment pour déverser leur contenu.
Tous les bâtiments sont maintenus en dépression pour assurer la récupération
des odeurs. Le procédé de traitement est le procédé Valorga : la matière
organique est dégradée par une flore microbienne, en l'absence d'oxygène
dans une enceinte confinée appelé « digesteur ». La méthanisation est un
processus voisin du compostage.
Le composte est pour une part vendu aux jardiniers et pour le reste des
contrats sont passés avec des agriculteurs. Les biogaz sont brûlés sur place
pour fabriquer de l'électricité : I/3 de l'électricité produite sert à faire
tourner l'usine, le reste étant vendu aux producteurs d'électricité
allemands.
8h00-9h30 Fribourg, ville des énergies renouvelables
La première chose que l'on remarque à Fribourg c'est l'omniprésence des
capteurs solaires. Pour comprendre cet engouement, nous sommes reçus par la
municipalité dans un bâtiment partagé par le distributeur régional d'électricité
et l'association de promotion du solaire. On nous présente l'histoire de la
Région Solaire de Fribourg, la politique de l'environnement et de
développement solaire de la ville.
A Fribourg, l'énergie solaire fait partie intégrante du projet de société et
est fortement plébiscitée par les habitants de la région. Le distributeur
local d'électricité, la société Badenova, dont le capital est contrôlé par
la ville, offre une prime de 600 euros aux habitants qui se lancent dans l'installation
de panneaux photovoltaïques et leur achète le courant, en vertu de la loi
allemande sur les énergies alternatives 0,45? ( 3 fois plus qu'en France).
En mobilisant les instituts de recherche, les industriels, les architectes,
les artisans locaux, la ville a réussi à créer une dynamique. Quelques 700
personnes travaillent dans ce nouveau secteur. Le règlement d'urbanisme est
particulièrement favorable à l'installation de capteurs solaires. Outre l'intérêt
économique et la volonté politique communale, l'engagement citoyen a permis
la conception du « réseau d'électricité solaire Régio » constitué de grandes
installations photovoltaïques réparties sur plusieurs sites, auxquelles les
habitants peuvent participer en tant qu'actionnaires.
La mise en place de panneaux solaires sur le toit des tribunes du stade de
football du SC Freiburg est symbolique de cet engagement collectif : en
1996, les citoyens ont été invités à acheter une part d'unité de 5 m2 du
toit solaire couplé à 1 carte d'entrée pour les matchs de l'année. Plus de
10% des habitants, contre à peine 2% dans le reste du pays, acceptent de
payer un surplus de 1,75 centimes d'euro par kilowattheure pour consommer de
l'électricité verte. L'apprentissage démarre très tôt : la municipalité
incite toutes les écoles à construire avec leurs élèves des centrales
solaires sur leurs toits.
9h30-10h30 : Fribourg, laboratoire de la construction durable
Nous partons visiter avec notre guide la solar-Fabrick AG Freiburg, premier
bâtiment industriel sans émission polluant. Sur ce site où travaille cent
cinquante personnes, l'électricité est en grande partie solaire, la
ventilation et le rafraîchissement sont assurés par un puit canadien dont le
conduit d'un diamètre de 1m, est enterré à 3 m de profondeur. L'immense
serre solaire permet de chauffer les bureaux, l'appoint se faisant grâce à
une chaudière fonctionnant à l'huile végétale.
10h30-11h00 : éco-quartiers
Nous quittons la solar-Fabrick pour rejoindre Rieselfeld, un quartier
construit en 1993 à l'Ouest de la ville. Avant de lancer deux importants
projets urbains, le quartier Vauban (38 hectares constructibles pour
accueillir 5000 habitants) et Riesenfeld (70 hectares pour 12 000 habitants)
l'équipe municipale a décidé de soumettre la vente des terrains aux
promoteurs à des critères draconiens de consommation d'énergie et de respect
de l'environnement dans les logements.
Première découverte, la couleur et la diversité des façades des bâtiments
montrent que qualité urbanistique et convivialité peuvent se conjuguer avec
la construction d'un quartier d'habitat collectif. La majeure partie des
constructions est réalisée dans une démarche d'écoconstruction et surtout de
haute performance énergétique.
Seconde découverte, ici pas de trottoirs, dans les rues alentours, la
vitesse est limitée à 30 km/h (5 km/h dans les allées entre les immeubles),
priorité aux piétons. Les emplacements de parking sont en dalles engazonnées
pour rendre le sol perméable et éviter à l'eau de pluie de ruisseler.
Les toits plats sont obligatoirement végétalisés pour la même raison. Afin
de responsabiliser les habitants, quasiment chaque arbre planté porte un
nom, celui de la personne qui est chargée de l'arroser et de s'en occuper.
Les parterres sont également gérés par les habitants, et les employés
communaux. Une réserve naturelle d'environ 200 hectares jouxte le quartier.
11h00-11h30 : architecture solaire
Nous montons sur un coteau couvert de vigne, nous découvrons la construction
la plus innovante : l'Héliotrop. Réalisé par l'architecte Rolf Disch cette
construction futuriste suit le soleil, optimisant ainsi sa production d'électricité
et d'eau chaude solaire.
C'est une des premières maisons au monde en « énergie plus ». : Sa
production d'énergie dépasse ses besoins grâce à sa conception en bois et en
triple vitrage, à ces 54 m2 de panneaux photovoltaïques, et ses 38 m2 de
capteurs solaires thermiques.
11h30-12h : lotissement solaire avec maisons « à bilan énergétique
positif ».
200 m plus bas, les panneaux solaires recouvrent l'ensemble des toitures d'une
tranche de constructions récentes en bois, soient 2500 m2, quasiment l'équivalent
du total des installations française. En combinant matériaux de construction
recyclable (bois, absence de PVC), exposition forte à la lumière grâce à de
grandes baies vitrées orientées au Sud, isolation renforcée et toits
solaires, les maisons « énergies plus » parviennent à produire 4000 kwh par
an d'électricité pour une consommation de 3000.
Le chauffage est fourni par une chaudière à bois. Le prix de ces maisons est
élevé : 3500 euros le m2. Mais selon l'architecte, il est compensé par les
gains à venir : la vente d'électricité peut rapporter 250 euros par mois au
propriétaire.
14h- 16h : quartier socio écologique vauban.
C'est un nouveau choc : sur 38 hectares se construit un quartier d'habitat
collectif où l'écologie et la mixité sociale ne sont pas de vain mot. L'armée
française a occupé le site jusqu'en 1992. Dès son départ, le site est occupé
par un collectif regroupant artistes, architectes, et écologistes qui
lancent un groupe de réflexion et d'actions, le « Forum Vauban » pour
transformer les bâtiments et penser la création d'un éco-quartier. La
commune l'a acheté en 1994 pour 20 millions d'euros à l'Etat fédéral.
Le quartier Vauban qui occupe une quarantaine d'hectares s'est développé en
suivant les recommandations des groupes de réflexion, en trois programmes
entre 1998 et 2006. Vauban héberge aujourd'hui 4000 habitants, dont 20% de
moins de 10ans. Le ruisseau et les arbres ont été préservés. Les bâtiments
ont été intégrés au sein de cet espace.
Le résultat est remarquable : une mosaïque architecturale : du neuf ou du
rénové (l'ancienne caserne), de superbe loft à la roulotte écolo, de la
couleur, des plantes qui grimpent le long des escaliers de service, des
jardinets privatifs, des grands espaces communs, un four à pain collectif,
et un marché de petits producteurs locaux tous en bio évidemment.
Le tout dans le respect de contraintes environnementales uniformes : la
hauteur ne dépassant pas 13 mètres (quatre étages), consommation énergétique
plafonnée en conformité avec le label allemand sur l'habitat à basse énergie
qui fixe une consommation maximale de chauffage de 65 kilowattheures par
mètres carrés et par an (soit 80% de moins que dans les logements des années
soixante-dix), raccordement au réseau de chauffage urbain du quartier,
alimenté par une centrale de cogénération fonctionnant majoritairement au
bois (26000 m2 de copeaux brûlés chaque année, le gaz naturel fournit l'appoint.).
A terme le quartier accueillera 5000 habitants, dans 2000 logements, et des
activités représentants plus de 500 emplois. Il comptera 650 appartements
pour étudiants et 450 logements sociaux.
Une incitation à se passer de voiture
Une des toutes premières réalisations a été de lancer la construction d'une
ligne de tramway passant au centre du quartier. Le quartier se développe
autour de l'allée Vauban, bordée de chaque côté d'une bande de six mètres de
large réservée aux piétons et aux cyclistes. Cet axe central dessert les
voies secondaires, qui mènent aux habitations.
La vitesse est limitée à 30 km/h sur l'axe principal, on roule au pas dans
les rues adjacentes. Le plan d'aménagement urbain exclut toute place de
parking devant les bâtiments, où ne sont admis que les parcs à vélos. A
Vauban les ménages qui se passent de voiture (un sur deux) payent moins
chers, les ménages motorisé sont tenus d'acheter une place dans l'un des
deux parkings collectifs, situé en périphérie du quartier. L'association de
quartier favorise le covoiturage et l'autopartage.
Une démocratie participative affirmée
Fribourg se distinguent des autres quartiers écologiques scandinaves ou
germaniques par la participation active des habitants. Le Forum Vauban a été
associé à toutes les décisions d'aménagement et à initié le « Beaugruppen »
des associations de particuliers qui se passent de promoteurs et
investissent collectivement pour construire leurs logements. Ils ont aussi
participé à la mise au point du règlement d'urbanisme du quartier.
16h-17h Priorité à l'intermodalité et au partage de la voirie.
Nous retournons au centre ville pour finir notre visite par la gare, exemple
d'intermodalité : les trains arrivent sur un quai, le tramway sur un autre,
les bus arrivent dans la station. A proximité immédiate des quais la «
maison du vélo », cette construction ronde, bardée de mélèze est repérable
de loin avec ses panneaux photovoltaïques et son toit végétalisé.
Au rez-de-chaussée, on trouve un parking pour les voitures d'une entreprise
de car-sharing au premier étage, un garage gardé nuit et jour d'une capacité
de 1000 vélos, tandis qu'au deuxième étage différente boutique offrent aux
cyclistes toutes sortes de services : réparation, vente de pièce de
rechange, location d'équipement comme les sièges et les fameuses remorques
pour enfants que l'on croise un peu partout dans Fribourg.
Pour un investissement de 2 millions d'euros, en partie payé par les
recettes des taxes sur le stationnement, l'opération est un succés : le
parking (75 centimes d'euros par jour) affiche complet. En ville le vélo a d'ailleurs
supplanté l'automobile. La municipalité a adopté un programme drastique :
incription de la quasi-totalité des quartiers en zone 30, réduction du
nombre de place de stationnement et hausse des tarifs de parking.
En revanche, l'offre de tramway et de bus n'a cessé de s'améliorer et un
réseau de plus de 450 km de pistes cyclables a été aménagé. Le résultat est
là : alors que les déplacements urbains ont augmenté de 30% depuis 1976, la
part de la voiture est passée de 60% à 37% en 23 ans. A Fribourg le vélo
représente près de 30% des déplacements, autant que les transports en
commun.
Conclusion
Une certitude s'impose quand on visite Fribourg, l'écologie urbaine, c'est
possible ! Ici les Cassandres en matière d'environnement ne sont pas les
bienvenus, les petites voix, experts en rentabilité qui expliquent chez nous
que ce n'est pas rentable, que ce n'est pas techniquement au point, que les
habitants ne marcheront pas n'ont pas imposé l'inaction.
On installe des capteurs solaires même verticalement sur des murs d'immeubles,
on installe des pistes cyclables non seulement en voie propre (protégé) ,
mais aussi tracées sur la chaussée comme à Auxerre, sur les trottoirs.
On sent une adhésion de la population à la lutte pour la qualité de son
environnement et les petits compteurs installés partout en ville pour
signaler la production électrique des installations solaires est le symbole
de cette lutte collective.
Alors pour nous assez vite une question se pose : « Pourquoi, ça a été
possible à Fribourg ? »
La réponse de notre guide fuse : « Notre politique de planification
énergétique s'est édifiée progressivement dans les années 1980 en réaction
au projet de construction en 1976 d'une centrale nucléaire à Whyt, petit
village situé à 20 km de Fribourg.
Des manifestations monstres ont été organisées. Il fallait non seulement
résister, mais aussi proposer une alternative. »
En 1986, la municipalité de gauche a formalisée une politique ambitieuse :
économiser l'énergie, utiliser des technologies performantes comme la
cogénération et promouvoir les sources renouvelables. Une démarche encore
renforcée dix ans plus tard avec l'adoption d'un plan de lutte contre le
changement climatique qui se fixait le but de diminuer de 25% les émissions
de CO2 en 2010 par rapport à 1990.
Avant notre départ, une dernière interrogation sur le bilan politique de ces
orientations me pousse à demander à notre interlocuteur la couleur politique
de la Municipalité en 2005 : « Les citoyens ont un très haut niveau de
conscience des enjeux environnementaux.
La population vote à plus de 20% pour les « Grünen » et, lors des dernières
élections municipales en mai 2002, le candidat des Verts, Dieter salomon a
été élu avec 64,4% des voix au second tour. Une façon pour les habitants de
plébiciter la politique environnementale très volontaristes engagée depuis
vingt ans. »
Post by François Guillet| le vent, le soleil., le biogas
l'amour et l'eau fraiche...
Tout un programme.