L'experience publiée dans le Lancet n'est pas parfaite non plus, mais
100x plus que celle de Raoult.
Odile Fillod (observatoire de la vulgarisation) à publié cette petite
synthèse des positions argumentaires des 2 bords (valides ou non) à
cette occasion :
https://www.facebook.com/OdileFillod/posts/2767657350029230
La publication de Mehra et al. dans The Lancet le 22 mai a remis une
pièce dans la machine à polémique et à génération de revenus
publicitaires dans les médias comme sur les réseaux sociaux. C'est
l'occasion d'à peu près autant de mésinterprétations ou
surinterprétations de l'étude par des personnes défendant l'idée que
l'hydroxychloroquine "ne marche pas" que de mise en avant d'arguments
foireux par des personnes défendant celle qu'elle "marche", surtout (ou
exclusivement) associée à l'azithromycine. Je ne traiterai ici que des
résultats concernant l'hydroxychloroquine et la mortalité.
Chez les "anti-HCQ"
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J'ai noté en particulier la tendance à :
- communiquer les pourcentages de mortalité bruts, non corrigés par les
facteurs de confusion pris en compte dans l'étude, ce qui donne
l'impression que la surmortalité est énorme sous HCQ (9 % de décès sans
HCQ versus 18 % avec HCQ et 24 % avec HCQ + macrolide),
- affirmer que cette étude est à haut niveau de preuve, voire permet de
conclure définitivement que l'HCQ avec ou sans AZI est non seulement
sans intérêt mais augmente au contraire la mortalité des personnes
atteintes de Covid-19.
=> Dans le tableau synthétique ci-joint, j'indique les pourcentages de
surmortalité corrigés des facteurs de confusion par les auteurs.
=> Rappelons que du fait de sa nature observationnelle, cette étude ne
permet pas de conclure définitivement. En outre, entre autres
limitations, elle a porté sur une sous-population de malades (des
patients hospitalisés), ils ont été traités avec des dosages d'HCQ
variables, et les résultats des groupes HCQ + macrolide ne différenciant
pas entre azithromycine et l'autre macrolide utilisé, ils ne disent rien
de la combinaison HCQ+AZI spécifiquement. Mehra et ses collègues
concluent d'ailleurs leur article en disant qu'il est nécessaire d'avoir
(urgemment) les résultats d'essais randomisés.
Cette étude vient seulement s'ajouter à la liste des cinq études dûment
publiées n'ayant mis en évidence aucun intérêt de l'HCQ par rapport au
standard de soin (cf [1]). Sachant qu'en outre :
- l'HCQ n'a jamais marché in vivo pour traiter une infection virale
malgré son efficacité fréquemment constatée in vitro,
- l'HCQ est dangereuse aux doses préconisées surtout associée à l'AZI,
- un essai préclinique de l'HCQ seule ou associée à l'AZI sur un modèle
macaque du Covid-19 a conclu à son absence de bénéfice,
on peut estimer que les médecins qui administrent ces traitements hors
AMM en dehors d'un essai clinique ont tort de le faire, mais ce n'est
pas la même chose d'affirmer que le rapport bénéfices/risques est
assurément défavorable dans toutes les situations.
Chez les "pro-HCQ"
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Il est notamment avancé que cette étude ne vaut rien car :
- les patients traités à l'HCQ étaient des malades "beaucoup plus
graves" que ceux non traités [2][3], en particulier parce qu'environ
environ 20 % d'entre eux "avaient besoin d'oxygène" au départ contre
environ 7 % dans le groupe contrôle [2],
- des facteurs de confusion ont été pris en compte, mais avec une
méthode (scores de propension) dont il serait communément admis qu'elle
ne "devrait pas être utilisée" [4],
- les résultats viennent pour l'essentiel d'hôpitaux d'Amérique du Nord
où l'HCQ serait administrée particulièrement tardivement, ce qui
fausserait les choses.
=> Dans le tableau synthétique ci-joint, je rappelle qu'aucun patient
n'était sous ventilation au début du traitement (les 20 % versus 7% sont
les pourcentages bruts du besoin de ventilation mécanique APRES
traitement à l'HCQ vs sans...), que les surmortalités estimées l'ont été
après prise en compte des facteurs de confusion, et que cela a été fait
par une régression de Cox et non par une analyse par scores de
propension, qui n'est présentée qu'en annexe, donnant des résultats
jugés similaires par les auteurs (quoique pires : + 67 % de mortalité
avec HCQ seule, + 95 % avec HCQ + macrolide). Je donne aussi les
résultats par continent qui montrent en particulier que les données
d'Amérique du Nord sont au contraire parmi les moins défavorables.
Certes, il y a des petites bizarreries qui mériteraient d'être
expliquées (ex : la très forte surmortalité sous HCQ en Afrique), les
variables utilisées pour neutraliser les facteurs de confusion ne sont
pas parfaites (ex : une variable continue aurait été préférable à
SPO2<94% = oui/non), et par ailleurs comme les auteurs le soulignent
eux-même, on ne peut exclure la possibilité que des facteurs de
confusion non mesurés interfèrent. Toutefois, pour objectiver ce risque
de biais ils ont estimé ce qu'il faudrait pour que la différence entre
patients traités et contrôles devienne non statistiquement
significative, et selon leurs calculs :
- pour HCQ seule, il faudrait l'équivalent d'un facteur augmentant le
risque de mortalité de 50 % et présent chez environ 50 % des patients
traités vs 0 % des contrôles,
- pour HCQ + macrolide, il faudrait l'équivalent d'un facteur augmentant
le risque de mortalité de 100 % et présent chez environ 30 % des
patients traités vs 0 % des contrôles.
Par ailleurs, cette étude est infiniment plus informative que les études
non contrôlées mises en avant a contrario par les "pro-HCQ/pro-Raoult",
ou que la petite étude coréenne de Kim et al. mise en ligne sur MedRxiv
évoquée dans [3], et d'un niveau de preuve clairement BEAUCOUP plus
élevé que la SEULE étude avec groupe contrôle publiée dans une revue
scientifique à ce jour ayant conclu à un intérêt de l'HCQ associée ou
non à l'azithromycine, à savoir celle de l'IHU-Méditerranée basée sur
les données de 14 sujets traités à l'HCQ seule et 6 sujet traités à
l'HCQ+AZI (voir [1]).
[1] www.facebook.com/OdileFillod/posts/2763346903793608
[2] Philippe Douste-Blazy sur BFM TV :
https://twitter.com/BFMTV/status/1264220444913291265/video/1
[3] Violaine Guerin sur CNEWS :
PS
[Edit] : A noter que cette étude (également rétrospective) n'applique
pas le "bon" protocole et ne distingue pas entre les antibiotiques
utilisés, ce qui est reproché à celle de Mehra et al (Cf le 2ème tableau
de[1])
[4] www.francesoir.fr/…/interview-exclusive-mandeep-mehra-lhydr…
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Fabrice