Prof
2012-06-03 21:21:46 UTC
La crise étudiante: quelques conseils d'un vieil universitaire
par Pierre Calvé
Université d'Ottawa
natif de Maniwaki et jeune retraité.
Pour avoir étudié pendant 20 ans et avoir fait carrière en tant qu'universitaire
pendant 32 ans, je crois que mon grain de sel dans le présent débat vaut
bien celui d'un étudiant, d'un professeur ou d'un syndicaliste. Voici donc
quelques conseils que je donnerais aux divers intervenants
À M. Charest et Mme COURCHESNE:
Expliquez-vous donc. Pourquoi ce mutisme entêté alors que les étudiants sont
tout à fait capables de comprendre, sinon d'accepter les véritables motifs
qui ont poussé votre gouvernement à décréter, sans doute après mure
réflexion, et un minutieux examen de toutes vos options, cette hausse des
frais de scolarité? Pourquoi, comme dans le cas de commission d'enquête sur
la construction, attendre que la situation ne s'envenime, que les
positions se campent, que toutes sortes d'autres facteurs, d'autres
intervenants, d'autres causes viennent brouiller les cartes et créer une
crise qui gonfle en se nourrissant elle-même de tous les débordements,
injonctions, échéances, mises en demeure.?
Aux syndicalistes intervenants:
Cessez de vous approprier cette cause pour faire valoir les vôtres. Les
étudiants ne sont pas en grève. Ils boycottent leurs cours. Ils mettent en
danger l'année scolaire de tous ceux qui ne peuvent se permettre un tel
luxe. Ils ne sont à l'emploi ni du gouvernement ni des universités. Ils
profitent de services qu'aucun autre pays, aucune autre province, plus riche
ou plus pauvre, ne peut offrir à faible coût sans sacrifier la qualité, la
crédibilité même de ces services. Si un gouvernement démocratiquement élu
décide, après plusieurs autres tentatives avortées au cours des 40 dernières
années à cause de semblables boycottages, que l'état ne peut plus se
permettre d'absorber les coûts de l'éducation supérieure sans une plus
grande participation des bénéficiaires, ce n'est pas à vous de vous joindre
à un combat qui n'est pas le vôtre et dont vous ne connaissez ni les tenants
ni les aboutissants.
Aux professeurs favorables au gel:
Seriez-vous prêts à rouvrir vos conventions collectives et accepter de
sacrifier une partie de votre salaire afin de participer à la noble cause d'une
éducation supérieure à faible coût, pour ne pas dire au rabais, pour tous
ces étudiants dont vous appuyez la cause? Ignorez-vous que le Québec, avec
une population qui compte à peine 75% de celle de l'agglomération parisienne
(qui compte plus de 12 millions d'habitants), doit entretenir un réseau de
17 universités (incluant les écoles de hautes études comme l'École
polytechnique) et 48 CÉGEPS? Comment croyez-vous que les universités peuvent
attirer les meilleurs professeurs, qui à leur tour attireront les meilleures
subventions, sans leur offrir les équipements, bibliothèques, laboratoires,
salles de cours qui seront à la fine pointe du progrès et permettront à vos
institutions de se comparer favorablement aux meilleures plutôt que devenir
de grands collèges anonymes, leaders en rien, comme il en pullule dans le
monde sans que jamais on n'entende parler de leur réputation ou de leurs
réalisations. En tant que doyen d'une faculté, j'ai eu à gérer un budget, et
comme vous le savez sans doute, c'est là l'art du possible, du grattage de
fonds de tiroirs, et ceux qui gaspillent auront vite affaire. à vous!
Aux étudiants contestataires:
Retournez à vos cours. Sauvez votre session. Vous risquez de perdre, et
de faire perdre à d'autres, beaucoup plus que ce que vous essayez de gagner
par votre entêtement. Vous ne ferez pas plier le gouvernement. Pas cette
fois. Des élections s'en viennent et vous pourrez démocratiquement faire
valoir votre cause et tenter de défaire, mais pas tout seuls, pas dans l'anarchie,
celui et ceux que vous tenez responsables de vos déboires. Et comprenez que
ce n'est pas en grignotant ici et là dans les salaires de quelques-uns, dans
le gaspillage de quelques autres, que le Québec pourra continuer à vous
assurer, ainsi qu'à vos enfants, une éducation supérieure digne de ce nom.
Le gel des frais de scolarité à été une décision politique, non réaliste
financièrement, et des correctifs s'imposent, malheureusement à court terme.
La dette du Québec s'approche du 200 000 000 000 $, et continue de croître.
La population vieillit, le nombre de travailleurs diminue
proportionnellement aux retraités, les demandes en soin de santé augmentent
de façon exponentielle. Comment pouvez-vous justifier une telle demande de
gel, voire de gratuité, pour un service dont êtes (par l'éducation que vous
recevez) et dont vous serez (par ce qu'elle vous rapportera) les grands
bénéficiaires?
Personnellement, j'ai dû assumer à peu près seul (sans l'aide de mes
parents) le coût de mes études collégiales et universitaires. J'avais tout
juste de quoi survivre grâce aux emplois d'été (dont six dans les chantiers
en tant que draveur et bûcheron) à de multiples travaux à temps partiel et à
deux années sabbatiques, où j'ai pu ramasser assez d'argent pour compléter
une maîtrise et un doctorat dans l'une des universités les plus
prestigieuses aux États-Unis. Et pourtant j'étais heureux parce que j'avais
le feu sacré et je me trouvais extrêmement chanceux de pouvoir, malgré
tous les sacrifices que j'ai dû faire, acquérir une telle éducation. Et la
profession que j'ai eu le privilège et le bonheur d'exercer grâce à ces
études a été ma plus grande récompense. Tout a un coût et croyez-moi,
celui-ci en vaut le coup!
par Pierre Calvé
Université d'Ottawa
natif de Maniwaki et jeune retraité.
Pour avoir étudié pendant 20 ans et avoir fait carrière en tant qu'universitaire
pendant 32 ans, je crois que mon grain de sel dans le présent débat vaut
bien celui d'un étudiant, d'un professeur ou d'un syndicaliste. Voici donc
quelques conseils que je donnerais aux divers intervenants
À M. Charest et Mme COURCHESNE:
Expliquez-vous donc. Pourquoi ce mutisme entêté alors que les étudiants sont
tout à fait capables de comprendre, sinon d'accepter les véritables motifs
qui ont poussé votre gouvernement à décréter, sans doute après mure
réflexion, et un minutieux examen de toutes vos options, cette hausse des
frais de scolarité? Pourquoi, comme dans le cas de commission d'enquête sur
la construction, attendre que la situation ne s'envenime, que les
positions se campent, que toutes sortes d'autres facteurs, d'autres
intervenants, d'autres causes viennent brouiller les cartes et créer une
crise qui gonfle en se nourrissant elle-même de tous les débordements,
injonctions, échéances, mises en demeure.?
Aux syndicalistes intervenants:
Cessez de vous approprier cette cause pour faire valoir les vôtres. Les
étudiants ne sont pas en grève. Ils boycottent leurs cours. Ils mettent en
danger l'année scolaire de tous ceux qui ne peuvent se permettre un tel
luxe. Ils ne sont à l'emploi ni du gouvernement ni des universités. Ils
profitent de services qu'aucun autre pays, aucune autre province, plus riche
ou plus pauvre, ne peut offrir à faible coût sans sacrifier la qualité, la
crédibilité même de ces services. Si un gouvernement démocratiquement élu
décide, après plusieurs autres tentatives avortées au cours des 40 dernières
années à cause de semblables boycottages, que l'état ne peut plus se
permettre d'absorber les coûts de l'éducation supérieure sans une plus
grande participation des bénéficiaires, ce n'est pas à vous de vous joindre
à un combat qui n'est pas le vôtre et dont vous ne connaissez ni les tenants
ni les aboutissants.
Aux professeurs favorables au gel:
Seriez-vous prêts à rouvrir vos conventions collectives et accepter de
sacrifier une partie de votre salaire afin de participer à la noble cause d'une
éducation supérieure à faible coût, pour ne pas dire au rabais, pour tous
ces étudiants dont vous appuyez la cause? Ignorez-vous que le Québec, avec
une population qui compte à peine 75% de celle de l'agglomération parisienne
(qui compte plus de 12 millions d'habitants), doit entretenir un réseau de
17 universités (incluant les écoles de hautes études comme l'École
polytechnique) et 48 CÉGEPS? Comment croyez-vous que les universités peuvent
attirer les meilleurs professeurs, qui à leur tour attireront les meilleures
subventions, sans leur offrir les équipements, bibliothèques, laboratoires,
salles de cours qui seront à la fine pointe du progrès et permettront à vos
institutions de se comparer favorablement aux meilleures plutôt que devenir
de grands collèges anonymes, leaders en rien, comme il en pullule dans le
monde sans que jamais on n'entende parler de leur réputation ou de leurs
réalisations. En tant que doyen d'une faculté, j'ai eu à gérer un budget, et
comme vous le savez sans doute, c'est là l'art du possible, du grattage de
fonds de tiroirs, et ceux qui gaspillent auront vite affaire. à vous!
Aux étudiants contestataires:
Retournez à vos cours. Sauvez votre session. Vous risquez de perdre, et
de faire perdre à d'autres, beaucoup plus que ce que vous essayez de gagner
par votre entêtement. Vous ne ferez pas plier le gouvernement. Pas cette
fois. Des élections s'en viennent et vous pourrez démocratiquement faire
valoir votre cause et tenter de défaire, mais pas tout seuls, pas dans l'anarchie,
celui et ceux que vous tenez responsables de vos déboires. Et comprenez que
ce n'est pas en grignotant ici et là dans les salaires de quelques-uns, dans
le gaspillage de quelques autres, que le Québec pourra continuer à vous
assurer, ainsi qu'à vos enfants, une éducation supérieure digne de ce nom.
Le gel des frais de scolarité à été une décision politique, non réaliste
financièrement, et des correctifs s'imposent, malheureusement à court terme.
La dette du Québec s'approche du 200 000 000 000 $, et continue de croître.
La population vieillit, le nombre de travailleurs diminue
proportionnellement aux retraités, les demandes en soin de santé augmentent
de façon exponentielle. Comment pouvez-vous justifier une telle demande de
gel, voire de gratuité, pour un service dont êtes (par l'éducation que vous
recevez) et dont vous serez (par ce qu'elle vous rapportera) les grands
bénéficiaires?
Personnellement, j'ai dû assumer à peu près seul (sans l'aide de mes
parents) le coût de mes études collégiales et universitaires. J'avais tout
juste de quoi survivre grâce aux emplois d'été (dont six dans les chantiers
en tant que draveur et bûcheron) à de multiples travaux à temps partiel et à
deux années sabbatiques, où j'ai pu ramasser assez d'argent pour compléter
une maîtrise et un doctorat dans l'une des universités les plus
prestigieuses aux États-Unis. Et pourtant j'étais heureux parce que j'avais
le feu sacré et je me trouvais extrêmement chanceux de pouvoir, malgré
tous les sacrifices que j'ai dû faire, acquérir une telle éducation. Et la
profession que j'ai eu le privilège et le bonheur d'exercer grâce à ces
études a été ma plus grande récompense. Tout a un coût et croyez-moi,
celui-ci en vaut le coup!