Cardinal de Hère
2017-12-03 17:43:27 UTC
Ce coup-ci c'est au sujet du franc CFA, sujet sur lequel sidi
al-Makrrroune a étalé publiquement sa beaufitude, son incompétence et sa
nullité. Sapir profite de l'occasion pour décrire les effets pervers du
franc CFA et pour soutenir sa disparition.
https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201712031034145881-franc-cfa/
Faut-il dissoudre le franc CFA ?
Le récent voyage en Afrique du Président français, M. Emmanuel Macron a
montré que la question du franc CFA continuait de préoccuper les élites
des pays concernés. Emmanuel Macron a été directement confronté à ce
problème.
Cependant, de nombreuses idées fausses continuent de circuler sur la
question du franc CFA, que ce soit chez ses partisans, et Emmanuel
Macron a repris certaines de ces idées fausses, ou que ce soit chez les
opposants de ce système. Certaines de ses idées correspondent trop bien
aux intérêts de ceux qui les propagent pour que l'on ne soit pas tenté
de penser que, plus que d'idées fausses, il s'agit en réalité d'idées
qui sont justement et sciemment produites pour obtenir certains effets,
et par des gens qui savent parfaitement qu'elles n'entretiennent aucun
rapport avec la réalité.
Les origines du franc CFA
Le franc CFA fut pensé avant la seconde guerre mondiale, avec son proche
parent le franc CFP pour les colonies françaises du Pacifique. Il
n'entra dans le monde des réalités qu'avec la fin de la guerre, et dans
le cadre de la participation de la France aux accords de Bretton Woods.
Il est important, de rappeler que la décolonisation n'entraîna pas, et
souvent à la demande même des nouveaux pouvoirs dans les pays ayant
gagné leur indépendance, une remise en cause de ce système (sauf sans le
cas de la Guinée). Rappelons aussi que, lors des négociations de
1945-1946 entre Ho-Chi-Minh et le gouvernement français, le dirigeant
vietnamien (communiste, il convient de s'en souvenir) avait accepté que
le Vietnam indépendant délègue sa souveraineté monétaire à la France. Il
y avait donc, et ce en dépit de l'amère contexte de décolonisation,
comme une évidence qui s'imposait aux nouveaux dirigeants: le maintien
d'un système géré par la Banque de France serait, au moins à court
terme, plus avantageux pour les pays décolonisés que s'ils devaient
créer leur propre monnaie.
Mais, ce système a aujourd'hui largement changé de sens, et en
particulier depuis son accrochage à l'Euro.
Les arguments pour le maintien du franc CFA
Plusieurs raisons militaient pour le maintien de la situation héritée de
la colonisation. Acquérir sa souveraineté monétaire impliquait de
dépenser de l'argent, mais aussi des compétences, qui étaient rares pour
se doter d'une Banque Centrale. La situation, ici, ne se compare
nullement avec celle des pays de la zone Euro. Ceux-ci ont tous conservé
leur Banque Centrale, et avec elle l'ensemble des compétence nécessaire
à la gestion d'une souveraineté monétaire. Bien entendu, la pertinence
de cet argument tend à s'amoindrir avec le temps. Ce qui était vrai en
1959 et 1960 ne l'était plus dans les années 1970 et les années 1980.
Outre ces dépenses, se posait aussi la question de la crédibilité de la
politique monétaire des nouveaux Etats. Or cette crédibilité était
nécessaire à la défense d'une convertibilité raisonnable. Enfin, il y
avait la question du risque inflationniste. Un pays aux structures
étatiques faibles car juste naissantes, dans une situation économique
rendue complexe par les contraintes du développement, peut très bien
sombrer dans l'hyperinflation, ou au moins dans une inflation très
forte. D'ailleurs, les pays qui ont gardé le franc CFA ont connu, en
moyenne, dans les années 1960 et jusqu'aux années 1980, des taux
d'inflation plus faibles que leurs voisins.
Les problèmes que posent le maintien du franc CFA
Mais, le maintien du franc CFA soulevait, et soulève toujours, de
nombreux problèmes. Le premier tient à sa structure même. Le franc CFA
repose largement sur une structure liant les pays concernés à la France.
Les réserves de change sont détenues par le Trésor français (non,
contrairement à ce qu'a dit Emmanuel Macron, elles ne sont pas sous le
contrôle de la BCE). La politique monétaire est très largement
supervisée par la Banque de France et par le Trésor français, une
situation qui n'est pas favorable — et c'est un euphémisme — au
développement d'une responsabilité dans les affaires monétaires dans les
pays concernés.
Peut-être plus important, le lien entre le franc CFA et la monnaie
française (franc puis euro) conduit à une surévaluation du franc CFA.
Cette surévaluation permet aux classes moyennes émergentes, et à la
petite minorité aisée d'acquérir au moindre coût des produits importés.
Par contre, du fait de la perte de pouvoir d'achat qui survient du fait
de cette surévaluation pour les exportations (faites en dollars ou en
euro et converties ensuite en franc CFA), le franc CFA pénalise
l'économie des pays concernés. Cela devient particulièrement évident
quand les prix mondiaux des matières premières (arachide, cacao, café ou
encore pétrole…) baissent. Logiquement, les monnaies des pays
exportateurs devraient baisser. Mais, du fait du système du franc CFA,
cela ne peut se produire. Il en découle de nombreux déséquilibres, et en
particulier une pression très forte sur les investissements publics qui
contribue à maintenir de nombreux pays dans la trappe du sous-développement.
Vrais problèmes et fausses évidences
Les problèmes créés par le franc CFA sont aujourd'hui devenus sans doute
plus évidents que ses avantages. D'où l'importance prise par la question
de la dissolution du franc CFA.
Mais, cette question tend à être obscurcie par diverses fantaisies que
l'on entend au sujet du franc CFA. Sa fonction est moins d'assurer une
domination directe de la France sur ses anciennes colonies,
contrairement à ce que prétendent de nombreuses voix en Afrique, que de
donner à une (petite) fraction de la population (les classes moyennes
embryonnaires et la bourgeoisie, qui est largement compradores) la
possibilité d'acheter à des prix raisonnables des produits
d'importation. Le Franc CFA permet aussi à ces fractions de transférer
sans risques de change leurs avoirs, qu'ils aient été bien ou mal
acquis, en euro ou en dollar. C'est en cela que le franc CFA est bien un
outil du néo-colonialisme, mais de manière très indirecte.
Le franc CFA contribue à acheter des fractions des populations et à leur
faire penser qu'elles n'ont pas d'avenir hors du cadre néocolonial. Par
ailleurs, l'idée d'utiliser les réserves aujourd'hui détenues par le
Trésor français pour financer le développement est un non sens. Car, un
pays avec sa propre monnaie aura encore plus besoin de réserves que s'il
était dans le cadre du franc CFA. Par contre, un pays avec sa propre
monnaie, et donc non lié au franc CFA, pourrait laisser cette monnaie se
déprécier quand les prix des matières premières baissent, et ainsi
maintenir le volume (en monnaie locale) des investissements.
La centralité du problème politique
L'un des principaux défis posés par le franc CFA est qu'il maintient les
pays qui l'utilisent dans l'illusion qu'ils pourront se passer
d'institutions qui sont néanmoins nécessaires, et qu'ils peuvent
continuer avec des systèmes de gouvernement qui sont largement corrompus
ou plus précisément des systèmes patrimoniaux et prédateurs. Ces défis
doivent être relevés. De ce point de vue, la critique la plus radicale
que l'on peut faire au franc CFA est le fait qu'il contribue à maintenir
les pays qui l'utilisent dans un système politique archaïque et pervers.
Ce simple fait est largement suffisant pour le condamner aux yeux de
l'histoire, mais aussi des peuples.
al-Makrrroune a étalé publiquement sa beaufitude, son incompétence et sa
nullité. Sapir profite de l'occasion pour décrire les effets pervers du
franc CFA et pour soutenir sa disparition.
https://fr.sputniknews.com/points_de_vue/201712031034145881-franc-cfa/
Faut-il dissoudre le franc CFA ?
Le récent voyage en Afrique du Président français, M. Emmanuel Macron a
montré que la question du franc CFA continuait de préoccuper les élites
des pays concernés. Emmanuel Macron a été directement confronté à ce
problème.
Cependant, de nombreuses idées fausses continuent de circuler sur la
question du franc CFA, que ce soit chez ses partisans, et Emmanuel
Macron a repris certaines de ces idées fausses, ou que ce soit chez les
opposants de ce système. Certaines de ses idées correspondent trop bien
aux intérêts de ceux qui les propagent pour que l'on ne soit pas tenté
de penser que, plus que d'idées fausses, il s'agit en réalité d'idées
qui sont justement et sciemment produites pour obtenir certains effets,
et par des gens qui savent parfaitement qu'elles n'entretiennent aucun
rapport avec la réalité.
Les origines du franc CFA
Le franc CFA fut pensé avant la seconde guerre mondiale, avec son proche
parent le franc CFP pour les colonies françaises du Pacifique. Il
n'entra dans le monde des réalités qu'avec la fin de la guerre, et dans
le cadre de la participation de la France aux accords de Bretton Woods.
Il est important, de rappeler que la décolonisation n'entraîna pas, et
souvent à la demande même des nouveaux pouvoirs dans les pays ayant
gagné leur indépendance, une remise en cause de ce système (sauf sans le
cas de la Guinée). Rappelons aussi que, lors des négociations de
1945-1946 entre Ho-Chi-Minh et le gouvernement français, le dirigeant
vietnamien (communiste, il convient de s'en souvenir) avait accepté que
le Vietnam indépendant délègue sa souveraineté monétaire à la France. Il
y avait donc, et ce en dépit de l'amère contexte de décolonisation,
comme une évidence qui s'imposait aux nouveaux dirigeants: le maintien
d'un système géré par la Banque de France serait, au moins à court
terme, plus avantageux pour les pays décolonisés que s'ils devaient
créer leur propre monnaie.
Mais, ce système a aujourd'hui largement changé de sens, et en
particulier depuis son accrochage à l'Euro.
Les arguments pour le maintien du franc CFA
Plusieurs raisons militaient pour le maintien de la situation héritée de
la colonisation. Acquérir sa souveraineté monétaire impliquait de
dépenser de l'argent, mais aussi des compétences, qui étaient rares pour
se doter d'une Banque Centrale. La situation, ici, ne se compare
nullement avec celle des pays de la zone Euro. Ceux-ci ont tous conservé
leur Banque Centrale, et avec elle l'ensemble des compétence nécessaire
à la gestion d'une souveraineté monétaire. Bien entendu, la pertinence
de cet argument tend à s'amoindrir avec le temps. Ce qui était vrai en
1959 et 1960 ne l'était plus dans les années 1970 et les années 1980.
Outre ces dépenses, se posait aussi la question de la crédibilité de la
politique monétaire des nouveaux Etats. Or cette crédibilité était
nécessaire à la défense d'une convertibilité raisonnable. Enfin, il y
avait la question du risque inflationniste. Un pays aux structures
étatiques faibles car juste naissantes, dans une situation économique
rendue complexe par les contraintes du développement, peut très bien
sombrer dans l'hyperinflation, ou au moins dans une inflation très
forte. D'ailleurs, les pays qui ont gardé le franc CFA ont connu, en
moyenne, dans les années 1960 et jusqu'aux années 1980, des taux
d'inflation plus faibles que leurs voisins.
Les problèmes que posent le maintien du franc CFA
Mais, le maintien du franc CFA soulevait, et soulève toujours, de
nombreux problèmes. Le premier tient à sa structure même. Le franc CFA
repose largement sur une structure liant les pays concernés à la France.
Les réserves de change sont détenues par le Trésor français (non,
contrairement à ce qu'a dit Emmanuel Macron, elles ne sont pas sous le
contrôle de la BCE). La politique monétaire est très largement
supervisée par la Banque de France et par le Trésor français, une
situation qui n'est pas favorable — et c'est un euphémisme — au
développement d'une responsabilité dans les affaires monétaires dans les
pays concernés.
Peut-être plus important, le lien entre le franc CFA et la monnaie
française (franc puis euro) conduit à une surévaluation du franc CFA.
Cette surévaluation permet aux classes moyennes émergentes, et à la
petite minorité aisée d'acquérir au moindre coût des produits importés.
Par contre, du fait de la perte de pouvoir d'achat qui survient du fait
de cette surévaluation pour les exportations (faites en dollars ou en
euro et converties ensuite en franc CFA), le franc CFA pénalise
l'économie des pays concernés. Cela devient particulièrement évident
quand les prix mondiaux des matières premières (arachide, cacao, café ou
encore pétrole…) baissent. Logiquement, les monnaies des pays
exportateurs devraient baisser. Mais, du fait du système du franc CFA,
cela ne peut se produire. Il en découle de nombreux déséquilibres, et en
particulier une pression très forte sur les investissements publics qui
contribue à maintenir de nombreux pays dans la trappe du sous-développement.
Vrais problèmes et fausses évidences
Les problèmes créés par le franc CFA sont aujourd'hui devenus sans doute
plus évidents que ses avantages. D'où l'importance prise par la question
de la dissolution du franc CFA.
Mais, cette question tend à être obscurcie par diverses fantaisies que
l'on entend au sujet du franc CFA. Sa fonction est moins d'assurer une
domination directe de la France sur ses anciennes colonies,
contrairement à ce que prétendent de nombreuses voix en Afrique, que de
donner à une (petite) fraction de la population (les classes moyennes
embryonnaires et la bourgeoisie, qui est largement compradores) la
possibilité d'acheter à des prix raisonnables des produits
d'importation. Le Franc CFA permet aussi à ces fractions de transférer
sans risques de change leurs avoirs, qu'ils aient été bien ou mal
acquis, en euro ou en dollar. C'est en cela que le franc CFA est bien un
outil du néo-colonialisme, mais de manière très indirecte.
Le franc CFA contribue à acheter des fractions des populations et à leur
faire penser qu'elles n'ont pas d'avenir hors du cadre néocolonial. Par
ailleurs, l'idée d'utiliser les réserves aujourd'hui détenues par le
Trésor français pour financer le développement est un non sens. Car, un
pays avec sa propre monnaie aura encore plus besoin de réserves que s'il
était dans le cadre du franc CFA. Par contre, un pays avec sa propre
monnaie, et donc non lié au franc CFA, pourrait laisser cette monnaie se
déprécier quand les prix des matières premières baissent, et ainsi
maintenir le volume (en monnaie locale) des investissements.
La centralité du problème politique
L'un des principaux défis posés par le franc CFA est qu'il maintient les
pays qui l'utilisent dans l'illusion qu'ils pourront se passer
d'institutions qui sont néanmoins nécessaires, et qu'ils peuvent
continuer avec des systèmes de gouvernement qui sont largement corrompus
ou plus précisément des systèmes patrimoniaux et prédateurs. Ces défis
doivent être relevés. De ce point de vue, la critique la plus radicale
que l'on peut faire au franc CFA est le fait qu'il contribue à maintenir
les pays qui l'utilisent dans un système politique archaïque et pervers.
Ce simple fait est largement suffisant pour le condamner aux yeux de
l'histoire, mais aussi des peuples.